RAPHAEL MONTICELLI
Éléments en vue d’une conférence à l’école d’art de Luminy en 1988
J’imagine que, comme tout un chacun, j’éprouve ce sentiment d’une affligeante banalité d’être constamment en recherche d’un statut... Si j’écris dans une quelconque revue, c’est pourtant sans pouvoir me prétendre critique. Si j’ouvre un lieu de présentation de l’art, je ne cherche ni à intégrer le marché, ni d’ailleurs à le refuser, je ne suis pas marchand, et ce n’est pas une galerie. Si je réfléchis sur l’art, c’est sans les exigences du philosophe, si je veux situer une oeuvre, c’est sans la rigueur de l’historien. Et si je viens dans une école d’art c’est encore, très banalement, à un titre plutôt indéterminé.
Pourtant, si la critique d’art est cette esthétique en mouvement dont parle Gramsci quelque part, si le critique, c’est cet amateur qui doit porter sur le travail des artistes de son temps un regard en sympathie, c’est bien là le statut que je revendique... Un regard en sympathie sur les faits de l’art autour de moi...
Voilà donc ce que je voudrais vous proposer le regard d’un amateur et d’un témoin, et plus d’un témoin que d’un amateur... Ce n’est en effet pas parce que j’aimais l’art que je je cherche à en être témoin, mais bien plutôt parce que, placé finalement sans que je l’aie forcément voulu dans la position de témoin, se forme chaque jour une face nouvelle de mon amour de l’art.
Mais en même temps, il faut absolument que je dise que j’ai, depuis que je suis en âge de distinguer l’art, l’impression d’être entré dans ce domaine de force, et tout en revendiquant ma passion de l’art, j’ai cette peut-être fort banale impression que je suis un intrus. Et en même temps si je revendique mon intrusion c’est que je revendique d’abord ce que l’art m’apporte, nous apporte et à quoi je n’avais pas forcément droit... A quoi je ne pouvais avoir droit que par force...