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ALAIN FREIXE

Passage des ombres
© Alain Freixe
Publication en ligne : 6 mai 2020
Artiste(s) : Desambrois Muriel

Ce texte est paru aux éditions de la Diane française, illustré par Muriel Desambrois


« (…) et il n’est pas encore suffisant d’avoir des souvenirs,
 il faut pouvoir les oublier (…) »

Rainer Maria Rilke


Par où commencer ? Me servir de l’actualité et ancrer cette réplique aux monotypes, ces empreintes jouant de la répétition et de la différence, de MD dans ce qu’apportent les jours. Faire signe à leur saveur mortelle loin de me déplaire me permet de saluer ce présent pour ce peu d’existence qu’on lui accorde depuis Saint Augustin.

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Portfolio Desambrois Illustration 1

Deux choses, deux manifestations : D’une part, la fête liturgique du Saint Suaire dit de Turin ,dont on sait qu’il séjourna dans les murs du château de Nice de 1536 à 1543, organisée par la confrérie des Pénitents Rouges. Saint Suaire qui reste le prototype même de l’empreinte, quelque chose qui reste, qui est là, un champ de traces après contact, le traceur s’étant retiré du tracé, corps absent du divin. Cette apparition du plus lointain dans le plus proche, Walter Benjamin l’appelait « aura ». Et d’autre part, l’exposition au Grand Palais à Paris : « Au delà du réel… » des œuvres d’Odilon Redon dont je ne saurais oublier Les yeux clos alors même que MD a choisi le poème Les yeux de Sully Prudhomme, cet autre symboliste pour l’accompagner dans ce portfolio.


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Alors que les impressionnistes s’efforçaient d’ouvrir toujours plus leurs yeux, en voilà un qui décida de les fermer pour peindre. Et si fermer les yeux était ouvrir la main, celle qui du bout des doigts va nous délivrer son image mentale, sa vision intérieure.
Je commencerais bien par dire que c’est cette « sorte de lueur vague et sombre, qui persiste » que MD amène jusqu’à nous dans ses monotypes. Ce que « les morts laissent ainsi quelquefois derrière eux » dont parlait Victor Hugo.

 

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++++

Les cinq monotypes de MD portent traces d’existences passées : photos anciennes, écritures passées…Le temps est la clef de voûte de ses œuvres ou l’oeil du cyclone, bref la belle querelle de MD.

 

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Portfolio Desambrois, Illustration 2

« Comment portez-vous le temps qui vous porte ?
 Comment parlez-vous des morts ? »
Je terminais ainsi un poème intitulé « Temps disjoint » pour un livre d’artiste qu’avait conçu Martin Miguel. Je trouve chez MD une réponse. Pas de celles qui annulent les questions et qui finissent, coupées de leur instance animatrice, par n’être réponse à rien mais, au contraire, celles – rares – qui restent liées/rivées aux questions avec lesquelles elles jouent au point qu’on peut supprimer tout point d’interrogation. Ainsi arrimée à sa question, la réponse se retourne et se fait question, à son tour. Soudure. Où nous trouvons à nous appuyer. Tant ce sont les questions qui nous redressent et nous maintiennent comme hommes. Tels sont, à mes yeux, les monotypes de MD, non des empreintes sur papier, des objets de papier, un jeu contre-forme/forme, des peintures inversées, et certes les estampages de MD sont tout cela mais aussi et surtout des questions.

 

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MD fait apparaître des visages. Des visages sans corps. Des corps sans visage. Des masques tirés de l’ombre. Des formes que le jour dans sa montée chantourne.
MD fait revenir de la mort. Arrache à la mort des visages, des âmes, ces mélodies renouées.


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Tremblements obscurs, passages d’ombre, brumes furtives, sombres parages J’aime cette façon blessée de porter le temps chez MD. De laisser des traces : contact et retrait ; absence et présence. Apparition et disparition. Profils et contours indécis. Sans monde sous les voûtes. Elles flottent, comme suspendues entre les battants d’une porte, prises sur le seuil.

 

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Qu’est-ce que se souvenir de ceux d’hier ? Des êtres de chair et de sang qui ont vécu ? Ceux qui meurent ne sont pas sans laisser derrière eux des marques de leur passage – traces, vestiges, images, signes laissés aux vivants que nous sommes. Entre les vivants et les morts, c’est comme si s’étendait une contrée étrangère, inquiétante où ces signes seraient déposés. Abandonnés. C’est là que va MD.

 

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Portfolio Desambrois, Illustration 3

S’il y a un travail sur la mémoire chez MD celui-ci est à contre-courant. En aucun cas, MD ne propose des retours arrière mais un travail d’intériorisation. Comme chez Gérard de Nerval « (le) souvenir se creuse plus avant en (elle) » .Toujours plus avant. La mémoire procède par coups de vent intérieurs.
Md ne peint pas pour se souvenir mais plutôt pour faire entrer dans l’oubli. Pour se détacher du temps et de son fil. Ses monotypes ne sont pas à parcourir comme quelques palais de mémoire où tout se serait maintenu intact et exact mais à lire comme des fictions de l’oubli, des tableaux évidés, en manque de centre, un passé en ruines, un labyrinthe.

 

 

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Entrer dans l’oubli…Encore une de ces paroles arrivée vite. Me voilà pris de court ! Et quoi me fut laissé en dépôt ? Voyons, il ne saurait s’agir d’un oubli pur et simple, d’un oubli qui ne se saurait même plus oubli mais d’un oubli en acte, celui d’une attention portée à ce qui étant là en même temps n’étant pas là – fantômes, spectres, tous phénomènes de hantise - et qui comme des feux follets courent pour rien et vers rien, autour de rien. Une pensée qui au plus près d’elle-même comprend qu’elle est dans un labyrinthe qu’elle va creusant toujours plus, de routes en chemins, de chemins en traverses.
C’est cela que l’on entend dans les monotypes de MD, un ton, soit quelque chose d’ineffable dont l’être ne dépend de rien d’autre que de soi - singularité absolue - de ce qui n’est jamais dit mais qui s’inscrit comme possibilité dans ce qui est énoncé dans ces cinq œuvres.

 

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Portfolio Desambrois, Illustration 4


Grâce à l’oubli auquel elle travaille, grâce à ce qu’elle ne sait pas ou ignore avoir su, le passé est en avant et l’oubli n’a pas qu’ une fonction négative, il peut être référé à la mémoire comme étant une de ses expressions. Il « mène plus loin, vers un là-bas qui est aussi ce qui vient » selon les mots de Bernard Noël. Ainsi MD féconde-t-elle l’oubli.

 

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Les monotypes de MD sont tout habillé de culture : références aux portraits du fayoum, aux Moires grecques ou aux Parques latines ou encore aux Nornes des cosmogonies nordiques, mots, souvenirs, à l’architecture des cathédrales gothiques, à l’atmosphère sulfureuse des romans noirs du romantisme anglais, aux gisants, aux suaires et autres voiles, grands manteaux noirs à capuche. Les estampes de MD font avec tout cela, le montent et le déchirent.

 

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Les images de MD sont des éclairs d’oubli. Quelque chose qui rencontré au dehors, traverse la peau de nos yeux vient taper sur un dedans tissé de nerfs, sang et mots et remonte, mais coupé de tout et sans son contexte, hors les noms. Quelque chose qui déchire l’oubli mais sans le fracturer.

 

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MD a-t-elle passé un pacte avec la nuit ? Ses êtres sont nocturnes. Elle sait laisser venir la pénombre. Descendre les ombres du soir. Demi-jour où le décor se « floute », où le silence prend possession des lieux.
L’obscur tend un voile derrière les images. Une étrange douceur se diffuse dans les images de MD. Un enchantement. Tout semble en sommeil. Comme endormi. Calmé. Délié.
Ce qui ici voile ouvre nos yeux.
Ici, l’obscur ne dissout pas les formes mais il les rêve plutôt. Les contours nets et ceux déjà estompés palpitent ensemble.

 

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Portfolio Desambrois, Illustration 5

Les images de MD sont lucifuges, elles craignent la lumière !

 

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++++

Il y a une lumière de labyrinthe dans les monotypes de MD. Ce n’est pas le plein jour que l’on sait régner aux palais de mémoire mais l’ombre qui ouvre sur des ruines, des restes ; vagues sombres autour d’une absence. Lumière pour qui s’aventure en des pensées peu assurées d’elles-mêmes, disjointes comme autant de dédales. Grisaille de toute fiction.

 

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Quelque chose vibre dans ces estampes de MD, gris sur gris, grisaille avec la lumière d’entours gothiques plus ou moins ruinés ou alors ce serait juste la grisaille qui vibrerait jusqu’à en émouvoir la lumière à moins que vibrant, la grisaille n’émette sa propre lumière laquelle ira jouer avec la lumière.

 

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« Rien de plus cher que la chanson grise
Où l’indécis au Précis se joint »
Rien de plus cher que les monotypes de MD. Verlaine aurait aimé ce quelque chose de suspendu, de vague et de soluble dans l’air.

 

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Gris, Agent du flou, agent d’estompe. Couleur frontière du passage non dans l’invisible mais de l’invisible.

 

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J’aime dans ces estampes leur « serré » - dans la grisaille – leur agudeza, cette pointe. Leur manière d’arriver en bordure de rêve comme s’ils allaient toucher au silence.
Ses monotypes sont des silences qui remontent comme en un puits artésien.
MD fait parler le silence. Cela s’entend. Cela finit par se voir ; de l’eau s’écoule. Source.
Peintre, MD est poète. Au sens où l’entendait Baudelaire quand il demandait ; « Qu’est-ce qu’un poète, si ce n’est un traducteur, un déchiffreur. » Et c’est du silence que traduit MD. C’est lui qui voûte nos regards.

 

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Les images de MD mettent à nu, à vif c’est même mieux, le présent. Montrer du visible pour faire voir l’invisible ne serait-ce pas là désir de peintre ? N’est-ce pas cela que l’on voit à l’œuvre dans les estampes de MD, ce désir de donner visage à l’inconnu qui la hante tout en préservant l’énigme, le secret. N’est-ce pas cela qui nous trouble : une image claire de toutes ses ombres, sous tous ses voiles. Une image qui abrite la nuit du dessous, une nuit minérale. Autre soleil.

 

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Il y a une poussée de l’ombre dans ces monotypes de MD. Elle tend à « donner la parole à la minorité de nous-mêmes », selon les mots de Francis Ponge. Pour cela, elle fait taire nos discours du jour, les troue de nuit, ouvre un vide sur lequel s’appuyer.

 

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Les ombres, leurs manteaux de brume, semblent s’enfoncer sans s’y perdre dans les profondeurs d’un chœur de basilique. Ombres humaines qui béguaient, balbutient à la recherche de leur corps, de leur visage.

 

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Nous sommes au pays des « sembles ».
Les sembles, mot inventé par le poète anglais Coleridge, mot d’enfant pour désigner les fantômes, les images, les rêves et les reflets, bref tout ce qui n’est pas. Et qui est, pourtant.

 

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Modulations, variations. Donner corps à des ombres, épaisseur à des gouffres. Silence assourdissant. Peut-être que dans les monotypes de MD nous sommes passés de l’autre côté. Au-delà de l’effacement, de l’ultime remous. Pour que cet autre côté nous devienne visible, il fallait qu’il fasse surface à nos yeux. Que passe le fantôme !

 

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Croire aux esprits ? Aux fantômes ? Aux revenants ? Au pays d’arrière d’où viennent messagers, avant-coursiers, fantômes, spectres à se promener sur les bords de nos perceptions, hôtes des frontières indécises de la conscience…Vous n’y croyez pas ?
Pourtant.
Demandez aux amputés ! Interrogez-les sur cette expérience sensorielle des « membres fantômes », vous verrez si dans les marges il n’existe pas des perceptions qui trouent par moments nos consciences, perceptions de choses senties alors que n’étant plus – je pense à ces membres absents, à l’avant-bras emporté de Blaise Cendrars à la ferme de Navarin . Pourquoi n’existerait-il pas des perceptions d’êtres dont l’âme, de ce côté-ci du jour, quand s’entrebaîlle le temps, puisse venir flotter en lisière, invisible présence d’une musique tue.

 

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Frère de l’ombre et du reflet, chose blanche ou noire, douteuse eu égard à notre rationalité cartésienne et équivoque dans sa nature même, le fantôme contrevient au principe logique du tiers-exclu.
La logique du fantôme – comme celle de l’inconscient – ignore le principe de contradiction.
Au-delà de ce que l’on voit ou entend, reste ce fort sentiment de présence…au delà / en deçà des sens qui en certains lieux, à certains moments charge d’intensité l’air.

 

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En manque de corps, le fantôme cherche figure. Comment représenter ce qui ne se laisse pas représenter, ce qui est et n’est pas ? Comment tirer, attirer le fantôme dans la représentation, le capturer dans les rets de la figure ? Le fantôme incarne ce trait de l’œuvre qui ajointe l’invisible au visible.
Comment capturer dans l’apparence le fantôme ? Comment le faire venir ? L’acte de peindre serait-il un rappel ?
Stratégie de MD : le monotype. Empreintes montées de visages, d’écritures, de fonds gothiques. C’est là un art de l’impossible : incalculable et imprévisible…On ne peut que mettre en scène les conditions de possibilité de l’arrivée du fantôme.

 

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MD ne peint pas des fantômes, elle monte, met en scène des dispositifs qui sont les conditions de possibilité du passage du fantôme. Par delà le piège de l’apparence illustrative, anecdotique de ses œuvres, quand il passe, on reste soufflé. Face à quelque chose qui se tait de toute sa musique. Qu’une étrange dimension auratique nimbe.

 

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Effets de halo. Un nimbe, une zone d’ombre épaisse, soit vierge et vide, soit abritant des visages . Les auréoles dont MD entoure ces visages sont matrice de lumière. Elles protègent et élèvent les visages. L’ombre est ici comme un double, une gangue.. Image de l’autre, de la mort. Celle qui s’avance, pousse devant les visages. La mort gaine la vie. L’enveloppe. La sculpte. L’entretient.

 

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Il y a un jeu du monotype. Il répète dans la différence, il démultiplie mais à chaque fois de l’unique. Il recrée de la distance. Il éloigne. Et à chaque fois, l’image venue de loin nous doue de lointain.
 

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Les estampages de MD sont des images lointaines d’êtres sans image. Les images de visages scannées, dupliquées ne permettent aucune identification, ne donnent prise à aucun souvenir. Elles scellent l’absence. Les estampes de MD sont lieu offert à sa béance. Leur présent ne compte plus : photos anonymes, photos dérisoires prise dans une étrangeté légèrement inquiétante.
Visages dépouillés de leur chair, le corps de présence. Subsiste les traits, traces. Nul saisissement mais au contraire un dessaisissement, un éloignement, un effacement.
Grâce à l’intégration par MD de ces images à l’espace pictural, manipulations diverses, montage, transfert, les images sont renvoyées à leur statut de traces lointaines, indices d’une absence, à un autre espace, un autre temps, celui du tombeau . Ce sont des tombeaux que peint MD, qu’elle a estampé. Loin que l’image fasse revenir un absent, elle éloigne, aide à partir l’absent conférant à l’absence une absolue profondeur. Et c’est celle du temps.
L’empreinte est une « présence sans présent », trace de rien.

 

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Auratiques, les monotypes de MD ont le pouvoir de nous faire lever les yeux ! Pouvoir d’interruption. Pouvoir de déchirure. Déchirure qui rive », selon les mots d’ André du Bouchet. De là nous revient le regard – celui-là même qui dormait au fond des tombeaux de Sully Prud’homme. Ce regard reste dans le retrait se contentant de manifester ce pouvoir de la distance. Il est ici le résultat du processus d’empreinte. Ainsi les trois formes noires de MD qui nous font face n’ont pas besoin de se montrer, de montrer leurs traits pour que leur distance nous affecte. Le regard que nous leur portons fait en quelque sorte retour. Il nous revient en fantôme, souffle qui passe et dont les vibrations nous renversent. Dans le ton.

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Les estampages sont elles-mêmes des images-fantômes. Résultat d’une collision en elles d’un ici et d’un ailleurs, d’un proche et d’un lointain, d’un contact et d’une absence. De là leur rapport au temps, cette puissances des dormances. De ces choses parties au loin mais qui demeurent devant nous et qui peuvent nous faire signe de toute leur absence.

 

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Je ne m’étonne plus que MD ait choisi ce poème de Sully Prudhomme car de même que, selon lui, dans le tombeau, le regard est toujours là, vivant et qu’il y a donc quelqu’un mais quelqu’un qui n’est pas ; de même quand passe le fantôme dans les empreintes de MD, il règne, selon les mots de Victor Segalen, par l’étrange pouvoir de l’absence.

 

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Ce poème de Sully Prudhomme il faut l’arracher à ce premier niveau de lecture, cet effet de façade et le regarder come un cube de Necker…Alors ces yeux qui « dorment au fond des tombeaux » attendent. Ils sont comme en dormance comme on le dit de ces graines qui conservent longtemps sous terre leur pouvoir de germination. J’emprunte cette idée à Jean-Christophe Bailly pour qui le monde est rempli de dormances qui à tout moment peuvent être éveillées.
Hier est encore sous la terre. « Hier n’est pas encore venu » disait Mandelstam. Hier, ce sont des dormances. Dans hier, il y a aujourd’hui, de cela s’occupe MD.
Ce que le temps n’a pas effacé et qui jamais ne s’effacera du temps. Ce sont ces dormances que MD éveille. La rondeur des grains, la lumière et la chaleur des jours sont dans la grappe et jusqu’en son sang quand exprimé, elle expire
MD est une éveilleuse. Elle montre dans ses monotypes que le passé demeure inachevé.
Ces visages venus d’hier, ce corps de femme, ces écritures continuent d’être là comme en terre étrangère.
Seul le regard sauve, disait Simone Weil. Celui de MD a la fraicheur de la présence. Celle-ci est inaltérable !

 

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Non pas voir ce qu’on ne saurait voir mais donner à voir en cherchant à le donner à voir ce qu’on ne saurait voir dans ce procès même du travail qui monte transferts d’images, écritures anciennes, fragments de poèmes ou de gravures. Feuilleté gris. Quand le gris est la couleur de l’été, celle de « l’atmosphère de l’été, dont parle Baudelaire, quand le soleil étend comme un crépuscule de poussière tremblante sur chaque objet ».

 

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Dans Au pays de la magie, Henri Michaux disait que l’homme ne mourait que lorsqu’il ne restait plus aucun pli à défaire. Parce qu’alors voilà qu’il était accompli. Sa vie dans les plis terminée. MD défait ici un pli de plus pour ces visages sans corps ou ces corps sans visage.

 

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« Tout ce qui est doué de vie sur terre sait reconnaître la mort », comme ces mots de René Char s’appliquent bien à MD ! Dans ses monotypes, elle sait porter la vie jusque dans la mort, le feu dans ses cendres. Dans le grand œil de la mort qu’entrouvrent ses monotypes, je ne vois que son amour de la vie. Vie menacée, certes. En alarme. Mais vie dos au mur, adossée à la mort pour prendre appui dans le combat.

 

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Ce voyage au pays des ombres nous apprendrait-il à aborder le jour ?
Les merveilles d’hier, ces visages…perdus…ces murs de sérénité, de sourire…et s’ils devenaient voie d’accès, passage ? S’ils levaient les barrages. On les regarderait s’ouvrir sans les franchir.

 

 

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Ce serait comme fermer les yeux.
Et voir les yeux clos, c’est être comme mort à soi-même. Avoir descendu les marches du tombeau. Avoir « (fermé) un ciel pour en ouvrir un autre » . Absent à ses yeux, présent à sa main. Alors quelque chose passe. De la vie. Peut-être même du sens. Hors les noms. En route vers lui-même. Où se perdre à bout de lumière dans les ombres qui déjà s’avancent rayonnant de toute cette absence qu’elles gardent.

 

 

 

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