ALAIN FREIXE
Ce texte est paru aux éditions de la Diane française, illustré par Muriel Desambrois
« (…) et il n’est pas encore suffisant d’avoir des souvenirs,
il faut pouvoir les oublier (…) »
Rainer Maria Rilke
Par où commencer ? Me servir de l’actualité et ancrer cette réplique aux monotypes, ces empreintes jouant de la répétition et de la différence, de MD dans ce qu’apportent les jours. Faire signe à leur saveur mortelle loin de me déplaire me permet de saluer ce présent pour ce peu d’existence qu’on lui accorde depuis Saint Augustin.
*
Deux choses, deux manifestations : D’une part, la fête liturgique du Saint Suaire dit de Turin ,dont on sait qu’il séjourna dans les murs du château de Nice de 1536 à 1543, organisée par la confrérie des Pénitents Rouges. Saint Suaire qui reste le prototype même de l’empreinte, quelque chose qui reste, qui est là, un champ de traces après contact, le traceur s’étant retiré du tracé, corps absent du divin. Cette apparition du plus lointain dans le plus proche, Walter Benjamin l’appelait « aura ». Et d’autre part, l’exposition au Grand Palais à Paris : « Au delà du réel… » des œuvres d’Odilon Redon dont je ne saurais oublier Les yeux clos alors même que MD a choisi le poème Les yeux de Sully Prudhomme, cet autre symboliste pour l’accompagner dans ce portfolio.
*
Alors que les impressionnistes s’efforçaient d’ouvrir toujours plus leurs yeux, en voilà un qui décida de les fermer pour peindre. Et si fermer les yeux était ouvrir la main, celle qui du bout des doigts va nous délivrer son image mentale, sa vision intérieure.
Je commencerais bien par dire que c’est cette « sorte de lueur vague et sombre, qui persiste » que MD amène jusqu’à nous dans ses monotypes. Ce que « les morts laissent ainsi quelquefois derrière eux » dont parlait Victor Hugo.
*