RAPHAËL MONTICELLI
RM : Pour réaliser cette oeuvre plastique : recouvrir, coller, arracher, tu utilises de la toile métisse que tu découpes en fragments dont la dimension est plus ou moins celle de nos papiers d’écriture. Tu protèges, la plupart du temps, les éléments de bâti que tu vas traiter en y collant d’abord du papier, puis, cette préparation étant faite, tu colles tes fragments de tissu de manière à réaliser un recouvrement épais et solide.
La dimension de l’espace sur lequel tu travailles est toujours en rapport avec ton corps, ses mouvements, ses gestes. D’une façon générale, le point de départ, c’est toujours ce que tu peux atteindre, dans l’espace où tu te tiens, en levant et étendant les bras.
L’espace que tu retiens doit être aussi « parlant » du point de vue plastique et architectural : il doit présenter des ruptures, une certaine complexité. C’est ainsi que tu as commencé par travailler dans les angles des pièces. On comprend que le moulage d’un mur et d’un sol ne donnerait rien d’autre qu’un quadrilatère. Le recouvrement peut aller du sol au plafond ; et comme tu laisses la pièce en place au moins le temps qu’elle sèche, qu’elle est ainsi livrée aux passages des gens, elle se charge aussi de ça : usures, saletés, traces de pas.
Dans le cas des pièces réalisées au musée Reattu, comment as-tu choisi les endroits que tu allais traiter ?
MC : Pour choisir un endroit, je me balade beaucoup dans le bâtiment. Je cherche les « noeuds »... Ces espaces « parlant » architecturalement que tu mentionnais tout à l’heure. A Reattu, j’étais en compagnie de Michèle Moutashar, la conservatrice, et elle me parlait du musée, des espaces qu’elle trouvait intéressants...
RM : C’est justement l’une des questions nouvelles que je voulais aborder avec toi... Je m’aperçois, dans cette aventure de Reattu, qu’il y a, bien souvent, à l’origine de tes travaux sur les architectures, une relation avec quelqu’un, avec une commande explicite...
MC : Oui, par exemple, Michèle Moutashar tenait beaucoup à ce que je fasse quelque chose autour du puits... C’est l’espace central du musée, elle le présente comme une sorte de lieu légendaire... Un élément structurant de cet ensemble XVI° - XVII° siècle dont le peintre Reattu avait fait son atelier au début du XIX° siècle.
RM : Le choix d’un lieu : première condition, il est « parlant », architecturalement. Deuxième condition, il est parlable et parlé, par les gens qui y vivent, ou le vivent... Tu viens d’en ajouter une autre : il est légendaire, c’est à dire, littéralement, à lire...
MC : Mais en même temps, quand je circulais dans le musée, je ne voyais rien, et j’entendais assez peu ce que me disait Michèle... J’étais préoccupé par des questions de pratique, des problèmes d’espace, de dimensions de la pièce une fois mise à plat, des problèmes de temps de réalisation aussi... Je ne suis pas particulièrement sensible au prestige des lieux... Je suis sensible au bâti. Je circulais dans le musée, j’écoutais ce que disait la conservatrice, je cherchais des lieux possibles, je projetais les pièces faites, j’acquiesçais, je disais « oui, oui.. ; » et je paniquais...
RM : Et tu as fini par travailler sur le puits...