ALAIN FREIXE
Ce texte est paru en 2020 aux éditions de la Diane française. Il est enrichi d’œuvres originales de Fernanda Fedi sur le thème de la musique.
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Parfois, il suffit d’un air, d’une « phrase musicale », de trois notes de musique…et tel est le pouvoir fulgurant de la musique, pour être transporté hors de, être mis hors là, jeté avec la vitesse de l’éclair, sous le coup de sa « beauté convulsive » hors des circonstances, hors situation. Loin de nous détacher de la vie, la musique la requalifie
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Souvenons-nous de Gérard de Nerval. Dans son poème « Fantaisie », il décrit ce mouvement qui mène d’une impression auditive à une perception visuelle : j’entends, je vois !
« Il est un air pour qui je donnerais
tout Rossini, tout Mozart et tout Weber
un air très vieux, languissant et funèbre
qui pour moi seul a des charmes secrets
Or, chaque fois que je viens à l’entendre
De deux cents ans mon âme rajeunit
(… ) »
Ecouter, prêter ses oreilles jusqu’à les perdre comme on perd le nord, les perdre dans le fredon de telle sorte que s’enfouissant en lui, se renoue et remonte l’âme jusqu’à se déclore en une vision.
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Quand on se sent confusément ému par trois fois rien, par « trois petites notes de musique », par un air pas forcément « languissant « et « funèbre »…juste quelque chose qui frappe en vous et fait résonner le lointain en vous, ce lointain remonte et vous frappe à son tour en plein visage pour nous rappeler telle ou telle chose.
24-
La musique nous délivre des horloges, où le temps s’est figé en espace. Elle réenclenche les mécanismes, les aubes tournent nouveau. Le temps s’est remis en marche.
La musique met au monde si ce n’est le passé du moins dirions-nous du passé, de l’oublié. La musique est résurrectionnelle.