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RAPHAËL MONTICELLI

Noël Dolla à la galerie La Bertesca
Publication en ligne : 9 mars 2020
/ Monographies

L’une des premières expositions personnelles de Noël Dolla a eu lieu à la galerie La Bertesca, à Gênes. La préface m’avait donné l’occasion de travailler avec Noël sur les conditions de possibilité du surgissement d’une forme d’art dans l’histoire, et de celle de Noël en particulier. Le texte sent ses années 70. J’en ai gardé vivantes toutes les exigences.


Depuis quelques années se développe, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe, une avant-garde picturale que l’on se plait, çà et là, à définir comme a-représentative, ou comme peinture ne prétendant présenter qu’elle même par l’« analyse » plastiquement conduite, du ‘’code”’ pictural, ou des « constituants immédiats de la peinture ». Cette avant-garde se caractérise par un relatif foisonnement de mouvements ou de groupes, aussitôt éclatés ou apparemment dépassés que formés, et par une abondante production. Dans la préface que la galerie La Bertesca avait publiée pour l’exposition Dolla, Isnard, Viallat, en février 1974, il était noté que la situation française a vu apparaître toutes ces nouvelles formes de peinture, mais qu’en plus elle semblait, avec la plus grande clarté, donner naissance à de nouvelles directions ; et si l’on considère cette situation depuis Louis Cane jusqu’à Vivien Isnard, en passant par Viallat, Saytour, Dezeuze, Miguel et bien d’autres, on ne peut que partager ce point de vue ; de même qu’on ne peut que la féliciter d’organiser une exposition personnelle de Noël Dolla dont la situation dans cet espace est des plus originales, à la fois parce que ses rapports avec les mouvements d’avant-garde (Supports-Surfaces surtout) sont fondés sur une sympathie réticente et le mettent dans une situation singulière, et parce que sa production, résultat de rigoureuses exigences, promet de figurer parmi les plus importantes de cette génération. Et ce point de vue n’est pas seulement inscrit dans les rapports personnels du commentateur avec le peintre et son travail mais aussi, et surtout, dans une recherche de ce qui fonde l’intérêt d’une production picturale.

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Le problème de la peinture se limite en somme d’un coté, à la pratique picturale — rapport d’un peintre avec les données techniques de la peinture —, et de l’autre à ce que la peinture donne à voir — production, par la pratique, de ‘formes’ plus ou moins admises comme « formes de la peinture ». Les processus pratiques y impliquent les formes données à voir, la maîtrise y est maîtrise d’une pratique avant d’être celle des formes : si l’on renverse cette problématique on passera du domaine de la peinture à celui des technologies qui — compte tenu des formes à produire — mettent en place des procédés de fabrication. En somme les technologies visuelles placent au premier rang de leurs préoccupations le résultat à obtenir (prévu : message à communiquer, stimulus à transmettre, dans le but de vendre un produit, de promouvoir une politique, etc...) et lui subordonnent les moyens techniques de production : au contraire dans la peinture il convient de mettre d’abord en avant le contact du peintre avec une matière — technique de la peinture et pratique de cette technique — dont le résultat obtenu est l’indice pas toujours reconnu comme tel au premier abord.

La volonté de donner à voir d’abord des formes trouve ses limites dans les limites du comportement visuel : on sait que ce comportement est acquis et que la forme sera d’autant plus reconnaissable comme telle et comme forme de la peinture qu’elle se rattachera davantage à cet acquis et s’y rangera sans à-coups : quant à la technique picturale, elle sera d’autant moins mise en cause que seront moins mis en cause les résultats auxquels elle doit parvenir et en vue desquels elle s’est constituée. Aussi devrait-on pouvoir affirmer que toute mise en cause des habitudes visuelles, en particulier dans le domaine pictural, passe d’abord par la mise en cause de la technique qui produit les résultats visuels connus (pré-vus) ; cette mise en cause de la technique passe par une pratique de la peinture, rapport que le peintre entretient avec la technique qu’il a pu acquérir. Voilà qui devrait permettre de fonder l’intérêt de la production de notre avant-garde dont Noël Dolla fait partie : elle est au moins symptomatique des perturbations que notre société connait, des transformations, à tous les niveaux, que son évolution impose, des contradictions que ces transformations mettent au jour. Mais il convient de préciser que nous n’en sommes encore qu’au niveau du symptôme, que c’est à tout le moins limiter singulièrement l’intérêt de la peinture que de le fonder sur ce caractère, et il est nécessaire de réaffirmer ici que l’intérêt, et pour tout dire la valeur, d’une pratique particulière, en l’occurence celle de Noël Dolla, ne saurait se fonder exclusivement sur l’appartenance de cette pratique à un mouvement si important et si significatif soit-il ; et pour mieux faire saisir pourquoi nous nous attachons tant au travail de Noël Dolla, il parait nécessaire de revenir à la fois sur les conditions qui ont rendu possible le mouvement et son propos, afin de pouvoir analyser aussi précisément que possible la place qu’y tient le peintre qui nous intéresse ici.

De telles analyses se produisent tous les jours, et sur des modes divers, et si nous nous résolvons à ajouter la nôtre à l’ensemble de celles qui existent c’est qu’il nous semble toujours trop aisé de prétendre que ce que l’on considère comme des perturbations dans la peinture est le résultat de la « mutation du monde moderne », de la « crise de notre civilisation », d’un « déséquilibre entre l’Homme et le monde », où du « développement sans précédent de la technologie ». La simple relation de cause imprécise à effet incertain est insuffisante, et il est important de tenter de reconnaitre comment fonctionne le rapport entre la situation générale de la société et ses conséquences dans tel domaine particulier pour savoir ce qu’un peintre ‘reçoit’ et ce qu’il ‘’apporte”’.

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Les changements de la peinture sont — avons-nous dit— au moins symptomatiques des changements de la société, en tout cas de la façon dont les peintres perçoivent ces changements, et, en conséquence, symptomatiques des changements qui interviennent. dans la conscience que les peintres ont de leur situation de peintres. Pour résumer approximativement notre propos nous dirons que les changements dans la société impliquent des changements dans l’image ou l’idée que les peintres se font de cette société, du rôle qu’ils peuvent y jouer, du travail qu’ils peuvent y produire. C’est donc un double problème qui se pose à nous : déterminer tout d’abord quels sont les changements dans la société qui vont, en dernier recours, impliquer les changements dans la peinture ; discerner ensuite quels sont les changements premiers qui s’opèrent dans l’activité même du peintre.

Nous pensons que le peintre, comme n’importe quel être social, ne peut avoir de conscience que par rapport à ses conditions d’existence matérielles, et que la ‘’conscience ” du peintre changera dès lors que changeront ses conditions d’existence matérielles. Qu’’est-ce-qui fait donc changer les conditions d’existence matérielles du peintre, ou de quelque être social que ce soit, sinon les changements qui interviennent dans la situation lorsque le rôle qu’il peut jouer dans l’ensemble social va changer à la suite de ce que l’on pourrait appeler une redistribution des rôles à l’intérieur de la société. Essayons de dépasser maintenant cette métaphore théâtrale pour tenter de savoir à quoi elle fait allusion, c’est à dire ce qu’elle cache. Le rôle que chaque être social tient dans une société lui est attribué en fonction de ce que cette société produit et de la façon dont elle le produit ; c’est à dire qu’il n’est de rôle que dans la place déterminée par les rapports de production correspondant à un certain degré de développement des forces productives matérielles. En d’autres termes il faut commencer par voir quelle place un individu a dans la division du travail, pour pouvoir discuter de sa ‘’conscience”, car c’est cette place qui va déterminer sa conscience, et sa conscience va changer quand la division du travail change sous la pression de nécessités qui prennent leur naissance dans la production. Aussi, loin de parler de mutation de la société et de l’art il conviendrait de penser que l’art change dès lors que change la conscience des artistes, c’est à dire, en dernier recours, dès lors que — sous la pression de nécessités internes — « les forces productives matérielles de la société - entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n’en est que l’expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s’étaient mues jusqu’alors » [1]

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Notre époque est de celles où les contradictions entre les forces productives matérielles et les rapports de production sont les plus flagrantes, elle est aussi de celles où les « crises de conscience » sont les plus aigües, où la conscience que l’on a de ses conditions matérielles d’existence est le plus sujette à de perpétuels réajustements. Ainsi la peinture va d’abord être l’un des indices de ces réajustements, mais il ne faudrait pas croire qu’elle l’est mécaniquement et que l’on pourrait en quelque façon prévoir comment tel type de contradiction va se “traduire” en peinture ; ni que c’est immédiatement que le peintre va rendre compte de ce qu’il nous faut bien appeler les luttes de classes.

« L’économie ne crée rien ici directement d’elle même, mais elle détermine la sorte de modification et de développement de la matière intellectuelle existante, et encore, elle fait cela le plus souvent indirectement par le fait que ce sont les reflets politiques juridiques et moraux qui exercent la plus grande action directe sur la philosophie » (2) : cette observation concerne bien entendu la philosophie, mais elle est au moins indicative pour la peinture et nous oblige à considérer les « conditions prescrites par le domaine intéressé lui même » [2]
) ; pour ce faire nous allons d’abord reconsidérer notre formule « la peintre n’a de conscience que par rapport à ses conditions matérielles d’existence », nous essaierons ensuite de déterminer ce qui se transforme d’abord en peinture (ce qui se transforme d’abord dans la façon dont le peintre comprend ou vit le rapport qu’il entretient avec son activité).

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Commençons par lever une ambigüité : ce n’est pas de ses conditions réelles d’existence qu’un être social a conscience, mais, pour reprendre la thèse de Louis Althusser [3], de son rapport nécessairement imaginaire à ces conditions, ou du moins pour reprendre plus justement la formulation d’Althusser, c’est « dans l’idéologie qu’est (..... ) représenté non pas le système des rapports réels qui gouvernent l’existence des individus, mais le rapport imaginaire de ces individus aux rapports réels sous lesquels ils vivent ». On peut ainsi reprendre approximativement notre propos en disant que, par son activité de peintre, entendue comme pratique sociale parmi d’autres, un peintre rend compte de son rapport imaginaire à ses conditions réelles d’existence ; que les relations entre la ‘’société” et la ‘’peinture” passent par l’activité du peintre, être social parmi d’autres, dans le domaine de la peinture, pratique sociale parmi les autres et qu’il convient de savoir comment se matérialise dans le domaine social qu’est la peinture le rapport imaginaire aux rapports réels sous lesquels vit le peintre, dont il était question plus haut. Voyons par exemple comment le « rapport entre l’homme et le monde » s’est trouvé bouleversé dans la deuxième moitié du XIXe siècle : l’évolution de la société conduisait à la concentration des moyens de production industrielle et, sans essayer de suivre pour cet exemple toute la série des conséquences, à une autre image de la ‘’Nature” de sorte que certains parmi les peintres vont travailler à l’extérieur ; c’est là ce qui se trouve résumé dans la boutade de Dolla : « Van Gogh peignant d’après nature un jour de Mistral ne pouvait pas produire un Poussin ». Peindre d’après nature était — est toujours d’ailleurs — un choix idéologiquement significatif qui posait — mais qui ne pose plus — des « problèmes nouveaux » « au sein des conditions prescrites par le domaine intéressé lui même » ; de même, dans la deuxième moitié du XXe siècle la mystification de l’objet (cf. Nouveau réalisme en particulier) doit être étudiée dans ses rapports avec l’extraordinaire développement des forces productives et les contradictions qu’il fait naitre dans les rapports de production ; l’analyse sera la même pour ce qui concerne la volonté de retour à une mythique virginité de l’objet — y compris de l’objet sur lequel travaille le peintre. Mythe de la nature dans la peinture à l’extérieur, mythe du retour aux origines dans la peinture sans chassis, vont d’abord demander aux conditions techniques du travail de s’adapter aux nouvelles conditions dans lesquelles le travail se produit. C’est ce que nous entendions au début de ce texte lorsque nous disions « aussi devrait-on pouvoir affirmer que toute mise en cause des habitudes visuelles, en particulier dans le domaine pictural, passe d’abord par la mise en cause de la technique qui produit les résultats visuels connus (pré-vus) ; cette mise en cause de la technique passe par une pratique de la peinture, rapport que le peintre entretient avec la technique qu’il a pu acquérir », et l’on voit dans quel sens nous aimerions que soit nuancée la notion de « mise en cause ».

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On comprend aisément, pour reprendre nos exemples, qu’une peinture à l’extérieur rend impossible la tongue préparation des couleurs, le dosage minutieux des produits, la lenteur du séchage : la rapidité d’exécution y rend nécessaire la rapidité du geste, ce qui n’est pas sans conséquences sur la touche elle même... de même l’abandon du travail sur châssis, puis celui de la présentation sur châssis elle même confrontent le peintre à de nouvelles nécessités techniques : travail au sol, par exemple, dans la mesure où la maitrise d’une surface y est plus aisée que lorsque la toile suspendue flotte et résiste, abandon de l’enduit, trop fragile pour s’accommoder de l’absence de châssis, obligation de tenir davantage compte de la matérialité de la toile, retour à des techniques de coloration plus compatibles avec l’absence d’enduit (teinture par exemple), etc.

Ainsi lorsqu’un peintre s’inscrit dans tel mouvement plutôt que dans tel autre son choix, nous l’avons dit plus haut, est déjà idéologiquement significatif ; en outre ce choix met le peintre dans une situation plus ou moins productrice (créatrice si l’on préfère), dans la mesure où tel choix sera plus que tel autre l’occasion de « mises en question », c’est à dire dans la mesure où tel mouvement trahit plus que tel autre les contradictions dont il était question plus haut ne fût-ce que parce qu’il en est la conséquence. Mais lorsqu’un peintre fait ce choix (et les conditions qui permettent à tel peintre plutôt qu’à tel autre de le faire ne rentrent pas dans notre propos pour le moment) il reçoit en retour la donné technique dont nous avons parlé plus haut. Le rapport qu’il a avec ce donné et dont la trace demeure dans ce qu’il donné à voir, nous le nommons ici la pratique, et c’est lui que nous nous proposons maintenant d’analyser pour ce qui concerne N. Dolla.

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Le premier événement marquant de la production de Noël Dolla fut, en fin 1967, sa participation à l’exposition Ben Doute de Tout. Tout se passa alors comme si le peintre avait eu besoins de marquer une rupture aussi nette que possible avec tout son acquis. Dans une espèce d’affirmation de soi aux allures anarchisantes il supprimait d’un coup châssis, toile, couleurs, forme, pour ne proposer que des chiffons étendus sur des fils dans l’espace. Le refus d’accepter le donné pictural était radical, mais ce refus était celui d’un peintre qui continuait à affirmer sa qualité de peintre, et sa volonté de passer outre son propre refus pour « reconstruire la peinture » : le groupe B.M.P.T. dont l’importance comme événement est incontestable marquait déjà fortement la conscience des peintres, mais ses positions le rendait étonnamment limité du point de vue pictural : elles étaient l’illustration des contradictions à la limite du ridicule dans lesquelles certains peintres se fourvoyaient (présenter l’oeuvre anonyme de Buren aurait un caractère des plus plaisants), et de l’impuissance de la peinture à résoudre des problèmes qui ne relèvent pas de son domaine (il faut ici rendre hommage à la logique et à l’honnêteté de l’attitude de Parmentier qui finissait par refuser de peindre) ; marqué lui aussi par l’attitude BMPT Noël Dolla en dépassait les limites par sa volonté de traiter les problèmes de la peinture à l’intérieur du domaine pictural et avec les moyens de peintre, et alors qu’il refusait tout le donné technique en présentant un matériau non traité, il insistait déjà sur l’organisation de ce matériau.
C’est autour de cette notion d’organisation, de construction, qu’il allait mettre en place sa pratique de peintre. Il est une autre référence qu’il convient de faire à propos de cette notion de construction : elle concerne certains peintres du nouveau réalisme dont certaines productions (depuis la galerie vide jusqu’au monochrome) insistaient sur l’intérêt que le peintre accordait à « l’extérieur de l’oeuvre », un extérieur qui d’abord était compris du simple point de vue matériel, spatial, et qui, à la limite tendait à faire contribuer le spectateur à la construction de l’oeuvre.

C’est sans doute dans ce sans qu’il convient de comprendre les ‘’projections’’ de Dolla : au cours des années 1968-1969, les “chiffons” de 1967 sont normalisés, leur nombres se limite, les problèmes de couleurs sont à nouveau traités (par teinture d’abord, comme il se doit), et l’attention du peintre se porte davantage sur leur disposition dans l’espace, sur les rapports visuels que les surfaces colorées permettaient d’établir. En disposant trois toiles diversement colorées dans l’espace Dolla, par delà sa rupture et son refus, renouait en quelque façon avec son travail d’avant 1967 sur les rapports visuels de surfaces colorées et sur les triptyques, par l’intermédiaire de la construction. Très vite d’ailleurs Dolla passait de la teinture à la peinture au pinceau, plus aisément maîtrisable, permettant davantage de poser le problème du statut de la technique dans une pratique picturale.

Les problèmes qui sont alors posés en peinture suscitent une activité des plus intenses : la notion d’extérieur, de simple opposition spatiale qu’elle était, devient une opposition peinture-non-peinture qui engage aussi bien à une réflexion esthétique (recherche de ce qui est, au minimum, peinture, à quel moment n’y a-t-il plus peinture) que politique (intérêt de la peinture comme pratique politique”, “récupération” de la peinture par le « système marchand”, le ‘’circuit de distribution”….). Face à tous ces ‘problèmes nouveaux” qui se posaient dans la pratique picturale d’avant-garde, Noël Dolla a toujours évité d’adopter des attitudes simplistes (assimilation hâtive des ‘’niveaux’ » politique et pictural, mais recherche de l’acte peint minimum à l’intérieur du domaine pictural lui-même par exemple) : aussi ses rapports avec les regroupements d’artistes d’avant-garde ont-ils toujours eu pour fondement essentiel sa pratique de peintre.

Sa recherche de « l’acte peint minimum » le conduisait à proposer — plastiquement d’abord — la trace peinte, simple contact du pinceau sur la toile (de la surface peinte, à la ligne délimitant deux surfaces, au « point”) : d’autres part, alors que la peinture faisait semblant de refuser le ‘système marchand” en se lançant dans la sympathique mais dérisoire production de répétitions, ou de toiles trop grandes pour être exposées dans une galerie, il radicalisait toutes ces positions par ses expositions personnelles en haute montagne, et il est nécessaire d’insister ici sur l’une des réalisations les plus significatives de la pratique de N. Dolla, celle qui met le plus en évidence son « parti pris plastique », la rapidité avec laquelle il pose, dans le domaine qui est le sien, le problème à son point extrême, sa façon, en somme, de mener jusqu’au bout les « contradictions spécifiques » qui perturbent le domaine pictural, nous voulons parler de son exposition de février 1970 à la neige.

Quel était le problème ? Nous l’avons déjà aperçu : la contestation — idéaliste — du système marchand de la peinture conduisait certains peintres à une attitude de refus à l’égard de l’exposition : chez d’autres, qui faisaient de l’extension du format (rendue techniquement possible par la disparition du châssis) l’un de leurs chevaux de bataille contre le marchandage (production d’oeuvres invendables) commençait à naître l’idée selon laquelle placer l’oeuvre peinte « hors-circuit » signifiait l’exposer dans toutes sortes de lieux imprévus (oeuvre dans la vie, exposition dans la ville : exposition sur des plages etc..), et en mai 1970 se déroulait la plus significative des tentatives dans ce sens (par Viallat, Valensi, Saytour, Dezeuze, Pagès, autant de membres du futur Supports-Surfaces, le fait est à noter) où l’on identifiait « hors-circuit », « hors-système », et « nature », jusqu’au constat d’échec (l’oeuvre peinte ne peut pas être considérée comme telle hors de son lieu habituel d’exposition disait en substance le compte rendu). Depuis 1969 Noël Dolla travaillait sur ces problèmes, en prenant déjà le contrepied de la production du moment : loin de considérer la ‘nature comme “lieu” où l’oeuvre, préfabriquée, allait être exposée, il voyait dans l’extérieur un “support” dont le matériau devait être techniquement traité comme tel, et la neige du sommet de l’Authion allait être marquée de trois traces selon des procédés qui devaient tenir compte du matériau sur lequel on travaillait, et aux dimensions demandées par la dimension du support et les divers points de vue, pour qu’on puisse y voir. Format, nature de l’oeuvre, devenaient des questions secondaires par rapport aux nécessités du travail à l’extérieur que le peintre avait su reconnaitre.

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Tension vers la simplicité, construction aussi productive que possible, radicalisation des problèmes dans le sens demandé par la pratique de la peinture, voilà déjà comment apparaissaient les exigences de Noël Dolla : et une nouvelle preuve des possibilités, contenues dans sa pratique, à dépasser un donné était encore administrée quand il proposait, entre 1969 et 1972, ses séries de points” (formalisation de la trace), car il n’y avait pas alors accumulation, multiplication ou répétition d’un point, mais d’une construction de trois points diversement disposés les uns par rapports aux autres, et posés sur des supports divers, depuis la toile jusqu’aux chevrons en passant par le carton, les matières plastiques et la tarlatane, ce qui permettait des variations de format nécessaires, et des procédés de marquage différents, dépendant de la nature du support ; encrage, peinture, impression d’une trace, ou au contraire trouée sur une surface ou un volume. A la limite de ce travail Noël Dolla parvenait à des surfaces entièrement recouvertes, proches du monochrome, et la construction permettait à nouveau de dépasser cette nouvelle limite : quatre toiles cousues ensembles produisent le nouveau format sur lequel le peintre va travailler pour introduire de nouveaux processus ; traitement de la coloration par différenciation du pigment et du liant, du dessin produit par les différences de diffusion, sur lequel il n’y a pas lieu de revenir dans la mesure où nous l’avons déjà analysé lors d’une exposition dans cette même galerie.

Il est toutefois bon de noter que, poursuivant le travail dans la logique des processus de sa pratique picturale, Noël Dolla semble maintenant répondre à deux sortes de préoccupations ; d’une part, pour développer sa recherche sur le dessin, il reprend un travail sur tarlatane de 1971 : la tarlatane, enroulée sur elle même, reçoit, sur ses deux surfaces circulaires, une couleur dont la diffusion, compte tenu du matériau sur lequel on travaille, va déterminer un dessin visible lors du déroulement de la bande, travail simple et radical à la mesure de ceux auxquels ce peintre nous a accoutumés ; d’autre part la maîtrise de la couleur qu’il recherche dans ses toiles semble l’amener à revenir au travail sur châssis afin de réintroduire le traitement de l’enduit.

Toute la pratique d’un peintre nous semble passer par sa connaissance technique sur laquelle et par laquelle il agit ne fût-ce que — aux confins de la non-peinture — pour refuser toute technique. Tout donné technique d’une époque, sur lequel et par lequel un peintre agit, nous semble se transformer dès lors que, sous la pression des contradictions extérieures à la peinture, se transforme, la conscience des peintres.

Dès lors qu’une technique se transforme c’est à chaque peintre qu’il appartient, dans sa pratique, d’en tirer tout le parti possible par les choix qu’il fait, et il nous semble qu’il poussera d’autant plus loin les conséquences de cette transformation que ses choix, véritablement dictés par sa pratique de peintre, mettront en place des processus producteurs de transformations plastiques.

 

Il nous semble que Noël Dolla a fait de tels choix ; nous avons tenu à le dire, nous avons essayé de nous en expliquer. Sa pratique de la peinture nous parait être une rare illustration de la façon dont un peintre peut, « au sein des conditions prescrites par le domaine intéressé lui-même », porter à leur plus haut point d’intensité les contradictions sous lesquelles il vit.

Notes

[1Marx, critique de l’économie politique, préface p. 4, ed. Sociales

[2K. Marx et F. Engels, Etudes Philosophiques p. 60, ed. Sociales

[3L. Althusser, Idéologie et Appareils Idéologiques d’Etat

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