BRIBES EN LIGNE
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RAPHAËL MONTICELLI

Alocco, la peinture en patchwork
Publication en ligne : 5 février 2020
Artiste(s) : Alocco (site)

Cette monographie sur Marcel Alocco est parue en 1979 aux éditions Charles le Bouil, collection NDLR.


ALOCCO

Peinture en patchwork

À considérer cette image rompue, patiemment reconstruite (comme d’un enfant incapable de cacher le remontage d’un jouet que son exploration a brisé, dévoyant son rôle et le recomposant pour d’autres découverte), je suis, à la trace du fil, le long va et vient de la main tirant l’aiguille, de la main guidant et palpant le tissu, appesantie sur les différences tactiles des zones diversement colorées ; je remonte à la déchirure, corps à corps, corps à toile encore inachevée dans sa vague ressemblance au sujet ; est-ce à juste titre que j’aboutis à cette image qui ne garde d’un Matisse, d’un Léger, d’un original que l’aspect, comme les traits minima de la reconnaissance ? Fade reproduction endormie dans un livre d’art, que l’œil et la main ont cernée sur 15 cm2, que du geste et du regard on a portée sur une toile avec l’objectif apparent de la déchirer pour la recoudre, l’image n’est-elle donc qu’un prétexte ? Entre l’image et ses moyens, qu’est-ce qui est le plus actif, le plus transformateur ? La réflexion sur l’image ou le heurt avec les moyens ? La mise en œuvre des manipulations ou le travail sur ce que les tableaux et plus généralement tous les objets de notre culture visuelle contiennent comme sens évident ? Ou la peinture n’est-elle pas le lieu où l’image ne peut être pensée hors de moyens qui la permettent, où les moyens ne ne peuvent être pensés hors de ce qu’ils donnent à voir ? Un lieu où se résout l’apparente contradiction entre l’image et ses moyens entre ce qui est donné à voir et ce qui le permet, et dont les contradictions sont ailleurs ?

Voilà sans doute ce qui caractérise la peinture de Marcel Alocco et qui prend, depuis des années, un caractère original dans ce qu’il est convenu d’appeler l’avant-garde : si la peinture doit être comprise comme ce qui résulte des rapports d’un l’individu à des objets, des outils, des pigments, des procédures, elle n’est pas moins, aussi, ce qu’historiquement ses moyens ont donné et donnent à voir. Ainsi la mise en œuvre est à la fois –chez Alocco– mise en œuvre de ce qui est habituellement compris comme outil et de l’image, outil elle-même, fait historiquement constitué et à quoi l’on a socialement rapport.

Aussi rendre compte de la Peinture en Patchwork c’est s’obliger à considérer comment s’est mise en place cette problématique et quelle part elle tient dans la peinture, comment elle se réalise et se transforme dans chaque œuvre particulière, ce qu’elle engage comme réflexion sur la peinture et son rôle.


- ++++ I. LE DEPLACEMENT
DE LA PROBLEMATIQUE

VERS LA PLASTICITE

Ce qui est frappant quand on considère l’œuvre d’Alocco du point de vue de son évolution chronologique, c’est de constater que la construction de sa (la) peinture y est constamment comprise comme résultat d’une tension entre le dit et le vu, le discours et le peint, le sémantique et le plastique. Sa pratique s’est ainsi toujours plus ou moins dépouillée des références à un possible discours descriptif ou anecdotique qui lui soit préexistant. En ce sens il contribue aux recherches qui pensent et construisent la peinture comme pratique spécifique, irréductible à toute autre. En même temps le problème du sens, compris d’abord comme prise possible à la sémantisation ou comme contenu sémantique, a été, d’entrée de jeu, attaqué de front, comme un problème incontournable, non à ignorer mais à dépasser : ainsi la pratique plastique d’Alocco s’est construite non pas sur le pré- supposé d’un vide sémantique de la peinture, d’un mutisme de la pratique, d’une opposition irréductible entre parler/écouter et voir/peindre, mais dans le dépassement d’une notion considérée comme historique : la notion de sens.

Une présentation et une rapide analyse de quelques œuvres choisies en ces diverses périodes feront apparaître à l’évidence ce déplacement vers la plasticité ; elles renvoient en même temps à d’autres oppositions.


++++ BANDES-OBJETS /
TIROIR AUX VIEILLERIES /
ET ANECDOTES

[Les bandes objets de 1966->doc866] étaient doublement soumises au discours et au livre : très nettement anecdotiques, elles racontent une histoire dont le début est à gauche et la fin à droite.

En même temps que l’organisation est soumise à nos habitudes de lecture, on perçoit l’influence de la bande dessinée, et la médiation de l’objet : ainsi à travers l’utilisation d’objets réels on peut reconnaître l’influence du Pop et du Nouveau Réalisme.

Le cas particulier de la [Censure->doc867] parce que l’objet met en scène le film, a tendance à dépasser la linéarité de la lecture, au profit d’une globalisation de l’image ; mais en même temps, la coupure (l’emplacement des ciseaux) est à droite de la boîte.

La censure

C’est aussi dans ce sens de l’exploration du contenu verbal que se dirige le Tiroir aux Vieilleries

Le tiroir aux vieilleries 1967

 avec une attention plus grande non pas aux grands thèmes (la mort, la censure, etc), mais à une histoire plus personnelle : les objets interviennent en tant qu’objets d’échanges interindividuels, ce que viennent expliciter les textes des boîtes. Le fait que l’on ne traite pas un lieu, toile ou feuille de papier, mais qu’on le considère comme neutre (la boîte dans laquelle on dépose les objets), donne le support comme extérieur au travail accompli, simplement démarcation avec un extérieur du travail artistique, lieu clos où se déroule autre chose, qui ne subit d’autres transformations dues à la pratique artistique que d’en devenir le contenant.


++++ IDEOGRAMMAIRE ET PLASTICITE

La série de l’idéogrammaire

Inscription, Idéogrammaire, 1967

Écriture, idéogrammaire

reprend le rapport du mot à la forme (de la langue à la peinture) ; mais avec une formalisation des bandes objets — on serait tenté de dire une abstraction —, et une simplification des textes du Tiroir aux vieilleries. Si l’on examine, à titre d’exemple, Inscription de novembre 1967, on aura une idée de ce que la réduction du texte suppose comme attention accrue au caractère plastique du travail : le titre lui-même ne renvoie pas à un contenu sémantique mais se borne à constater le résultat d’une procédure plastique. De ce même mois de novembre 1967 Empreinte

Empreinte, 1967

constitue une sorte d’achèvement de la série : le titre n’est plus que la simple dénotation du procédé plastique ; on voit ce qui oppose ces deux exemples à une œuvre comme la Leçon marquée par tout ce que le didactisme peut connoter de purement verbal.

Si les titres des œuvres de l’idéogrammaire témoignent d’une réévaluation du rapport d’Alocco au langage dans son activité plastique, le changement de problématique affecte bien plus la façon dont il va se saisir de la surface à peindre, plus efficacement plastique : la répétition ternaire permet ainsi une simplification du peuplement de la surface ; sa disposition diagonale, si elle retrouve certains traits de la lecture/écriture occidentale, s’engage sur la voie de la mise en cause
de la division de la surface à peindre en gauche/droite, haut/bas.

L’idéogrammaire est aussi le moment de la rupture avec la pratique du collage : si certaines œuvres comme La Leçon la reprennent, elles en retiennent d’une part le rapport à des images sociales ou fabriquées avec des supports préutilisés (comme à l’époque des Bandes Objets et du Tiroir aux Vieilleries), en même temps que le rapport toujours médiatisé par le travail des autres avec ce que l’on donne à voir. Mais à cela s’ajoute le problème de la multiplicité des lectures possibles d’une forme, de sa polysémie ou de son ambiguïté sémantique, une recherche donc de ce que la forme plastique véhicule, ou peut véhiculer, en propre. La pratique de l’empreinte vient prendre le pas sur celle du collage et constituera une ligne de force de l’œuvre picturale d’Alocco ; on peut considérer encore ce passage du collage à l’empreinte comme la marque de plus de plasticité à l’œuvre, impliquant un rapport apparemment plus personnel du corps à l’outil de l’inscription (la découpe enduite de couleur) et au lieu de l’inscription ; le travail par empreinte s’oppose au travail du pinceau comme le corps qui appuie de son poids s’oppose au corps qui trace de son mouvement, comme le travail vertical s’oppose au travail horizontal, au face à face, au vis-à-vis, enfin comme l’utilisation du pinceau, perçu comme outil immédiat (sa médiation étant le plus souvent masquée par l’évidence de son rôle, par sa charge historico-culturelle) s’oppose à l’utilisation de la découpe enduite, pensée et vécue davantage comme médiation, travail de la toile, pigmentation deux fois différée.


Inscription est ensuite le lieu où se développe la pratique de la répétition de la trace, non pas, comme dans la leçon n°3, pour insister sur la polysémie d’une forme, mais en dessiner, en montrer, en exposer la dégradation ou la transformation du fait de l’empreinte répétitive ; il s’agit là encore de l’exploration de la plasticité d’une forme et de sa transformation du fait des procédés plastiques. Du coup la répétition apparaît davantage comme moyen de peupler — en différence — le lieu à peindre. C’est aussi dans ce sens que se développe Traces

Traces

où la répétition a été réduite à son minimum : trois empreintes se dégradant de haut en bas et présentés en légère diagonale.

Les toiles libres de 1968 approfondissent cette opposition : Écriture, toile libre Ecriture reprend d’abord au niveau des formes les recherches plastico-sémantiques d’Alocco ; dans une espèce de recherche sémiologique du signe minimum dont il parlait lui-même comme du « passage expérimental du signifiant imaginaire encore naturaliste à l’écriture sans référence au réel » (inscription d’un Itinéraire page 4), c’est encore la disposition de lecture qui règle le passage : le moment le plus abstrait étant situé sous la forme de référence. L’abandon du châssis permet l’extension du format, mais il est en même temps possibilité d’une apparition nouvelle et plus importante de la toile.

La série des Brouillages Détériorations d’un signifiant de 1969 témoigne par son seul titre de préoccupations théoriques accentuées. brouillage et détérioration d'un signifiant Elle est en même temps le lieu d’une opposition plastique entre les formes (en négatif, non peintes) et un fond qui est devenu le lieu de travail plastique. Les formes naissent en réserve du travail, en même temps on joue sur leur incomplétude. L’opposition entre parole et plasticité continue à jouer dans toute cette période mais elle renvoie plus nettement à une opposition entre réflexion sur le signe et pratique plastique. La réflexion sur le signe privilégierait les formes de référence, les images ou les signes d’une espèce de lexique plastique, la pratique mettant davantage l’accent sur les moyens. Dans le premier cas ils sont utilisés comme tels, banalisés, secondarisés en quelque sorte ; dans le second, l’œuvre est le lieu de transformations ; la toile n’est pas seulement support, lieu passif recevant des inscriptions, mais matériau actif intervenant pour transformer les prévisions selon la façon dont on la traite, dont le corps s’y implique : c’est cela aussi l’empreinte ; le pinceau recouvre la toile, en atténue, voire en fait disparaître le grain, là où le grain apparaît c’est le négatif du mouvement du corps ; dans le cas de l’empreinte le corps s’implique ou s’impose sur l’ensemble de la trace, le pinceau ayant déjà fait son œuvre, et si le grain apparaît il n’est pas trace du même manque.

Dans cette démarche où, petit à petit, des problèmes nés d’une pratique littéraire reçoivent un traitement plastique et se transforment ainsi en problèmes de la peinture, les rubans sergés constituent le moment où la pratique plastique prend définitivement le dessus sur ce qui l’avait permise,

Série de rubans sergés, 1971

où la forme initiale devient secondaire par rapport au processus pratique de transformation, et c’est avec une espèce de délectation que prennent corps, en 1971, les toiles où s’affirment de nouvelles questions : toile, format, couture, découpe autour de la forme en négatif ; elles annoncent en même temps la période du Patchwork... détériorations et découpes, 1969-1971


++++ CONFLITS PRODUCTIFS

Il convient enfin de revenir sur cette opposition entre dit et peint, entre dire et faire, en ce qu’elle renvoie à son tour à une opposition entre pratique et théorie par quoi Alocco s’inscrivait doublement dans le débat sur la peinture de la fin des années soixante et annonçait bon nombre des questions des années soixante-dix. Son travail était explicitement sous-tendu par les théories de la linguistique, de l’information et de l’art conceptuel.

Théorie conceptuelle : il présentait le travail des peintres comme trace d’un cheminement :

L’objEt qui sort dES mains de l’arTistE matérialise une étape mentale atTeinte ; si bien que reGarder est aujourd’hUi une activité créatricE, que l’oBjet, pâlE négatiF d’un éVénement plus abstrait, reSte inerte ; mais le regArd baVarde (... L’artiste est LE pEtit pouCet dont il faut savoir si les oEuvres seront des mieTtes de pain disparuES aux premiers couPs de bec ou des Cailloux blaNcs dans l’hiStoire d’Une intelligence, les témOignages péRens d’’obstAcles aBaTtUs daNSs l’hiStoirE de la pensEe.

(in catalogue la Cédille qui sourit
Ben Polymorphe, 11-1965).

Théorie linguistique : il comprenait le tableau comme message dont
les signes étaient les formes, et le code leurs combinaisons :

(...) Recherche d’une gamme de significations élémentaires, il s’agit d’aboutir à un ensemble de signifiants fondamentaux abstraits, à la fois précis et ambivalents capables de rendre compte de tout événement mental (ou affectif) à transmettre ou à proposer.
 

(in “IN-SCRIPTION D’UN
ITINERAIRE”’, p.3)

Théorie de l’information : il pensait la répétition par empreintes et l’effacement de la forme par déperdition de pigments comme illustration de la perte de signification (en fait d’information) et parlait de brouillage de signifiants :

2.- Travail sur la diffusion d’un signifiant  :
a) par répétition :
détérioration d’un signifiant
b) par diffusion simultanée de deux signifiants ou plus : interférences.
c) par diffusion d’un champ uniformément occupé : brouillage des signifiants.

(IN-SCRIPTION, p. 4).

La répétition d’un signal provoque une naissance qui surgit ENTRE le signal et le signal réponse (détérioré, usé par la transmission...)

(IN-SCRIPTION, p. 7).

Les œuvres depuis l’idéogrammaire sont ainsi traces d’un conflit (plus pensé comme rapport que comme conflit par Alocco) entre une activité plastique dont la langue, le verbal, le sémantisable, seraient la plastique échappant au seul sémantisable, conflit qui renvoie à l’opposition entre des théories extérieures à la peinture et une théorie implicite ou peu affirmée, naissant de la pratique même. C’est bien là ce que soutenait en 1971, Catherine Millet, dans sa préface à INSCRIPTION D’UN ITINERAIRE quand, d’une part, elle affirmait, en ouverture de son texte :

L’une des illusions majeures de l’œuvre d’art traditionnelle est de prétendre à la fonction de langage.


et que, d’autre part, elle ajoutait :

La méthode selon laquelle Alocco envisage la transmission d’un message met en évidence que son travail ne vise qu’à une analyse de cette transmission. Le signe est utilisé systématiquement au cours de diverses mises en situation (ce qu’Alocco appelle “répétition” ‘‘interférences’’ ‘‘brouillage
des signifiants’” (...)
L’action d’Alocco concerne donc autant la peinture que l’objet utilisé comme moyen d’expression. Non restrictif ce champ d’action englobe également l’inévitable étape linguistique

(IN-SCRIPTION p. 1-2)

On ne s’essaie pas impunément à la pratique de la peinture, du moins quand on fait preuve de quelque cohérence, quand on n’hésite pas à en tirer les enseignements et à s’en laisser transformer. D’autres ont voulu traiter plastiquement leurs problèmes d’écriture qui se sont retrouvés peintres. Dans le cas d’Alocco, la période durant laquelle le glissement d’une problématique à l’autre s’est opéré est d’autant plus importante que ses exigences théoriques étaient plus fortes, qu’elles s’inscrivaient dans une époque de vaste remise en cause de la peinture, de réflexion sur ses rapports avec la langue. En ce sens, s’il y a, dans les années 1965-1971, chez Alocco, glissement de problématique, il y a, en même temps, apport original dans la façon de poser la question du sens dans la peinture : le glissement n’a pas été oubli.

Les procédures plastiques qui se sont développées jusqu’en 1971 demeureront comme acquis pour la période actuelle, non comme procédés auto-suffisants, mais en ce qu’elles sont déterminées par la question du sens, et qu’à leur tour, elles vont déterminer, au sens que prend l’œuvre, un rapport nouveau. ++++ -II. LA PEINTURE A L’’OŒUVRE

REALISATIONS-TRANSFORMATIONS
D’UNE PROBLEMATIQUE

INCERTITUDE DES ÉVIDENCES

La peinture d’Alocco a donc, à l’image, nous l’avons vu, un rapport privilégié en ce sens qu’elle est considérée d’abord comme ce qui est le plus manifestement codé et le plus aisément chargé de message ; mais dès lors qu’au détriment de sa valeur sémantique le peintre développe son intérêt plastique, il est amené à passer de la problématique du travail sur le fonctionnement du message, à une autre qui prenne davantage en compte l’image comme réalisation plastique, et le rapport que nous avons avec elle comme l’actualisation sociale à une unité. Dès lors Alocco ne pose plus les problèmes en termes de fonctionnement de la transmission d’un message entre un individu (le peintre) et un autre individu (le regardeur), mais en termes de fonctionnement social de l’ensemble des faits plastiques considérés dans leur histoire. Travaillant sur le type de rapports que socialement nous entretenons à la peinture et aux phénomènes plastiques, il s’inscrit en faux contre notre façon de considérer ou de ne pas considérer la plasticité d’une œuvre. Les images qu’il va utiliser, qu’elles soient de Matisse ou de Picasso, ou qu’elles appartiennent à la préhistoire, n’ont, plastiquement parlant, plus rien à voir avec le tableau de Matisse ou de Picasso ou avec la peinture pariétale ; c’est pourtant plus à cette image que nous avons rapport de reconnaissance qu’à ce qui en fait véritablement une œuvre plastique. Qu’en Mars 1973 une image de Picasso (photo absente) soit lacérée et recousue et nous avons les prémisses, avec une évidence à la limite du programmé, des actuels Patchworks.

Qu’un papier gouaché découpé (Matisse), des objets figés dans le polyester (Arman), un certain travail de la pâte (Braque, ou Picasso.) un coup de brosse fluide (Newman) ou une pose Systématique de la couleur (Reinhardt), et toutes les problématiques mises en cours par ces techniques / styles puissent se neutraliser dans la trace peinte, ouvre un certain nombre de problèmes ; à commencer par celui de la figuration, refoulée — dans la pratique picturale d’avant-garde — depuis les premiers abstraits, et singulièrement et systématiqument, en France, depuis quelques années. Toute « image peinte » est figuration d’’elle-même, mais la confusion figuration = représentation oblitérait cette remarque. Le travail présent sur « l’image » écrit que « l’image peinte » de Matisse = celle de Mondrian = Picasso = B. Newman = Braque = Léger = Arman = l’(es) anonyme(s) d’Altamira = Alocco = n’importe qui. C’est que l’image est prétexte au jeu de la toile, du geste, de la couleur, du sujet. Apparaît ainsi le manque (dans son image) du peintre imagé, la peinture l’effaçant dans cette image re-connue (comme sienne) et inconnue (dans son travail). Là se posent, simultanément, le problème de la peinture/couleur, de l’espace pictural, et de quel sujet peint.

Nice, déc. 1972 - juin 1973
“La Peinture déborde”.

Cette première transformation le conduit donc à puiser les images sur et par lesquelles il va travailler dans l’ensemble de notre culture visuelle ; position pratique qui s’accompagne d’une transformation du discours du peintre sur l’art et son histoire et sur les rapports qu’individuellement il entretient avec eux ; ainsi LA (Dé-)TENSION publiée en 1972 change entièrement le discours d’Alocco sur l’art d’une part par son rapport ironique aux grandes positions théoriques (voir dans la préface ‘‘Négatifs propédeutiques, citations (un peu) modifiées”) ensuite par l’importance qu’y prend la présentation de la pratique, enfin par la somme des références faites à l’ensemble des peintres contemporains. Un exemple suffira à donner une idée de cette transformation du discours sur la pratique :

2. Le ‘‘corps plastique”’ est constitué par :
- une tension
- une action
Soit murs ou parois, cubes, cylindres, sphères, tissus, rochers de hasard — volumes géométriques ou non, surfaces planes :
lieu d’une tension qui détermine un état plastique du matériau.
Un
signe plastique est le résultat d’une intervention dans les rapports de lumière (la trace d’une intervention) qui modifie l’état plastique d’un matériau pour le porter à un état plastique différent — au plus simple, constitution d’un écran (trait, pigment. voir paragraphe 3 le Corps pictural comme cas particulier du corps plastique) pratique d’un creux (fond plus sombre) pratique d’un pli (face plus éclairée que l’autre, ou arête..….) etc.
(Travail Mathias Goeritz, ‘‘papiers pliés” 1959, par exemple : Robho n°4, 1968).

(LA (Dé-TENSION p. 4)

de même il reconsidère, du point de vue théorique (c’est-à-dire dans la façon d’en considérer le rôle) toute sa période antérieure ; ainsi note-t-il à propos d’Empreintes dont il a déjà été question plus haut :
 

La toile : élément souple. (.….) elle est le lieu intégrant la pigmentation.
Constituée d’une trame et d’une chaîne perpendiculaire les fils de la chaîne étant alternativement pris et sautés, avec inversion à chaque tour de la trame ; les fibres croisées forment des grains (le grain de la toile), grains qui sont les nœuds de résistance (en épaisseur) aux tensions — plus la toile est “tirée”” plus elle est ‘‘plate”” : le chevauchement des fibres tendues vers
le plan médian (fictif) auquel s’assimile l’illusion d’une surface plane. Le grain par sa profondeur (réelle) définit deux surfaces planes limites (virtuelles).

(LA (Dé-)TENSION p. 5)

++++ APPLICATION PARADOXALE :
LA PEINTURE DEBORDE

Travail éminemment découvreur, la peinture entraîne le peintre à mettre en cause aussi bien dans l’œuvre que dans le discours sur l’œuvre, les évidences les plus assurées. Ainsi, au moment même où l’activité picturale prend, dans la pratique d’Alocco, sa valeur propre, au moment où le peintre renonce à régler sa pratique sur d’autres disciplines, ou à discipliner la peinture aux nécessités des théories, au moment donc, où les problèmes se traitent et se dépassent de plus en plus à l’intérieur du domaine de la peinture et avec ses seuls moyens, grandit l’attention aux à-côtés, à l’extérieur du travail plastique. Ni l’idée ni la pratique n’en sont nouvelles. aussi bien dans la peinture de ce siècle que dans celle d’Alocco : nous avons vu plus haut comment les Bandes Objets ou les Collages introduisent des éléments extérieurs à ce qu’il est convenu d’appeler la peinture. Ce qui prend ici un caractère particulier et enrichit notre réflexion sur le rapport entre intérieur et extérieur de la peinture c’est que, justement, rien n’est importé et que, pour reprendre le thème d’une exposition d’Alocco, c’est la peinture qui déborde . La peinture déborde, exposition chez Ben, 1974 Non pas, donc, mettre en état plastique ce qui n’est pas considéré comme tel mais, au sens strict, élargir le domaine, mettre en cause les limites d’une discipline. En cela aussi il y a dans l’œuvre d’Alocco puissance créatrice : faire la peinture c’est transformer le domaine, c’est la (le) faire déborder.

++++ IMAGES EN DEBORDEMENT

Voilà encore qui permet de revenir et de préciser les choix d’images d’Alocco : que l’on utilise pour peinture les plus marquées des figures de l’histoire de l’art, Léger, Picasso, Matisse ou Lascaux, relève de l’évidence ; que l’on y adjoigne les signes iconiques auxquels nous avons rapport, Mickey ou les lettres de l’alphabet, l’abréviation et le sigle PTT ou les idéogrammes chinois déborde le domaine et brise l’évidence ;

images en débordement

non seulement l’évidence des limites du domaine mais aussi, en manière de conséquence, celle des rapports entre les objets du domaine. Choisies, en partie, pour leur charge signifiante, les images mêlées dans un contexte autre et pour un autre fonctionnement produisent — dans un système de rapports différent— des significations nouvelles. Infidèles à leur origine, devenues repères ou lieu le plus visible d’un investissement culturel elles ont le dis- fonctionnement de tout signe en dehors du système qui le charge comme signe, à la recherche d’un système différent ou à la découverte des différences par rapport au système.

Ce qui aussitôt — et pratiquement — est mis en cause, c’est la validité du contexte, ou du système, dans lequel habituellement l’image fonctionne. La Joconde ou les Demoiselles d’Avignon dans le musée, ou le sigle PTT sur l’enveloppe ou la fourgonnette chacune de ces images telle qu’elle est aujourd’hui située dans notre conception de ce qui est l’art et de ce qui ne l’est pas, de ce qui est l’histoire de l’art et de ce qui ne n’est pas, est-elle à sa seule place possible, sinon à sa vraie place ? Ce qui est mis en cause c’est le double rapport que les hommes construisent à l’œuvre la situant dans un espace plus ou moins pensé comme immuable et dans une époque définitivement classée.
Construire, faire déborder la peinture, c’est mettre en cause —dans le cas d’Alocco — la peinture à la fois comme corpus et comme histoire.

Il ne s’agit pas de dire qu’un artiste naïf de la filiation directe ou indirecte d’un maître : il n’en serait qu’une ombre plus ou moins pâle. Les effets de connaissances sont pleins de détours difficiles à repérer, les impacts culturels les plus évidents souvent mal vus, même et peut-être surtout de celui qui les reçoit… Encore une fois la réflexion revient à la façon dont s’inscrit l’histoire de l’art et à celle dont elle s’écrit, différente, semble-t-il, comme à travers un prisme qui ne serait pas innocent.

(Remarques à propos d’Arman - P.C.A. 27 Août 1976).

++++ PATCHWORK DE TABLEAUX

Ce qu’Alocco retient de l’image de peintre c’est sa réalité d’élément de la peinture ; la référence fonctionne par rapport au système de la peinture. Ainsi, dans les premier travaux d’image, qu’ils soient sur toile tendue sur châssis ou sur papier, l’image reproduite se trouve décentrée par rapport au format utilisé ;

Image Léger, la Liseuse,, crayon sur papier, 1974

cette disposition qu’annonçait déjà le tissu n°2 d’Avril 1971,

Format dans le format, 1971

donnant autant d’importance visuelle aux grandes marges blanches qu’aux parties traitées, accentue l’opposition entre ce qui est reproduit ce par quoi l’on reproduit, signale que ce qui est repris sur un support et avec des moyens différents ce n’est pas tant l’image que le tableau : l’image n’était considérée comme image de la peinture que par ce qu’elle se réalise dans un tableau.

Troisième transformation : le sujet ce n’est pas l’image, c’est la peinture ou, en d’autres termes, il n’est d’images que de tableaux, ce qu’ironiquement Alocco reprend dans certains dessins où la lettre, le chiffre, l’idéogramme ou le personnage de bande dessinée, pris dans leur valeur d’élément plastique, reçoivent le même traitement en différence par rapport au support que les tableaux de maîtres.

De l’image du tableau (avec ce cas particulier que constitue le Picasso lacéré recousu à la série d’images de tableaux et autres formes plastiques sur une même toile, il y a tout le passage de la toile tendue comprise comme contexte — en quelque sorte reçue comme lieu — à la toile libre, plastiquement traitée, peinte, colorée, se construisant comme lieu par le jeu des images servant de contexte les unes aux autres et construisant — en creux — la toile.

++++ REPRODUIRE ET / POUR DÉCHIRER
DECHIRER ET / POUR COUDRE

TEMPS DEPOSÉ EN SES OBJETS

Ainsi la peinture d’Alocco se construit selon la double problématique de temps et du lieu ; banalité si on considère l’œuvre comme résultat d’une soumission aveugle et le peintre — ou chacun de nous — balloté de-ci de-là au gré de ce qui se passe. J’entends ce va-et- vient constant de la peinture comme histoire à ce qui s’en dépose dans la pratique individuelle, de la perception en simultanéité des objets plastiques de l’histoire au déroulement de la pratique. J’entends que, construisant une œuvre, l’artiste construit l’objet de sa relation à une histoire ; présenter Alocco comme développant la spécificité de la pratique picturale et — ce faisant — comme mettant en cause les évidences les plus assurées, c’est — chaque fois — le reconnaître pour un peintre qui décentre les données individuelles ou immédiates de la peinture et les fait passer au rang de faits historiques. Dans le premier cas il s’agit de moyens définis que l’on combine (on connaît la subdivision des données de la peinture en couleur, valeur, ligne et forme, elle a la vie dure !) : l’artiste est le compositeur du connu, il produit au mieux la surprise de la combinaison hardie ; dans le second cas tout fait est produit des hommes et le rapport aux faits suppose un rapport aux autres ; les faits sont contradictoires, on s’en saisit pour les transformer, on s’en transforme en les saisissant.

Dans l’œuvre d’Alocco le passage de l’image individuelle comme moyen, au tableau comme « outil » a provoqué une attention accrue d’une part à la perception individuelle du temps historique d’autre part au déroulement dans le temps de la pratique individuelle, dont la première trace plastique se trouve sans doute dans la technique du pointillé des dessins de 1972 (voir photo de la Liseuse d’après Fernand Léger). C’est de la même façon cette considération de la toile construite par les images comme résultat à transformer de la juxtaposition d’objets auxquels nous avons rapport en simultanéité qui a conduit à construire un lieu plastique tel qu’il unifie toile-image et couleur et devienne l’objet d’un rapport de simultanéité et en même temps se charge d’un temps nouveau de la pratique. Cette double nécessité du lieu unité plastique et du temps emmagasiné dans l’objet comme potentialité s’est réalisée dans le Patchwork.

Le Patchwork n’est donc plus un travail d’image — même s’il le présuppose — mais ce qui réalise l’unité plastique toile/image, ou de l’image à ses moyens et qui permet, dans la longue patience de la couture, l’irruption du temps que certain minimalisme semblait vouloir exclure.

++++ PATCHWORK DE COULEURS

Si la peinture en Patchwork semble, dans l’œuvre d’Alocco, naître comme nécessairement de sa manière individuelle de vivre, penser et pratiquer la peinture comme objet né du rapport à l’espace et au temps, elle ne demeure pas sans effet sur la perception et la maîtrise des couleurs. Il en va d’elles en fait comme de l’image ; elle est d’abord, au moment de la reproduction, respectée en tant qu’elle a un nom. Le peintre dépose un rouge là où l’on dit qu’il y a un rouge, un vert là où l’on dit qu’il y a un vert. sans tenir compte des nuances que l’œil voit sans doute mais que la langue ne prend pas toujours soin de nommer. Ce rapport de la couleur à la langue ne manque pas de rappeler tous les présupposés linguistiques ou littéraires de la peinture d’Alocco. Il n’est pas non plus sans intérêt de revoir pour la circonstance les œuvres de l’idéogrammaire qui systématiquement refusaient le blanc comme fond, c’est-à-dire la mise au zéro culturel (le non-dit) que, dans la peinture occidentale, le blanc suppose, et le remplaçant par le bleu montraient ainsi que « la ‘‘qualité”’ de la couleur (...) s’efface devant son rôle de médium, d’outil de ce qui est dit. » (IN-SCRIPTION p. 14) ; de la même façon les AMBICHROMES de 1970 exploraient ce rapport :

 

« Ce qui s’énonce lorsque complémentairement à mes ‘‘découpes”” je présente des ‘’ambichromes” que je désigne par “rouge”, “jaune”, ‘bleu’, alors que l’œil, contre le message écrit reçu par le cerveau, perçoit dans sa lecture conventionnelle comme ‘‘véronèse”’, “pistache”, ‘‘mauve”’.… (ou trois verts, ou..). Il devient alors évident que la couleur importe par son action de pigmenter aux dépens de sa qualité d’être tel ou tel pigment précis »

(‘‘ibid”” p. 14).

Ambichromes (toiles à droite sur la photo)

Aussi bien dans les œuvres de 1972 aux trois bandes latérales colorées

Peinture 1972

que dans le Patchwork ‘‘Léger”

Le campeur, d’après Léger, 1978

où les couleurs ne sont disposées que comme références, la couleur est proposition de construction. La couleur est ainsi d’une part retenue dans son rapport avec la langue et les procédés de reproduction photographique et d’impression (c’est-à-dire dans le rapport que communément nous entretenons avec elles au niveau du verbalisé), d’autre part, plastiquement, comme marque d’un rapport à la construction du tableau où elle devient élément que le tableau construit. Aussi comprendra-t-on que la couleur, comme élément de construction, de fabrication, de détermination de ce lieu particulier qu’est la toile de peintre puisse naître soit du rapport à l’image, soit du rapport à la toile. L’image impose la couleur comme, par exemple, dans ces toiles Image, culture, couleur, 1974 où composition, couleur et format naissent de la répartition, avant pigmentation ou tout en pigmentant les images par empreintes, des caches sur la plage blanche. La peinture se fait simple halo autour des parties cachées, suffisante
à peine pour les souligner. La femme de Matisse, le cheval de Lascaux ou l’idéogramme chinois sont, sur la toile, dans un rapport prévu ; le passage aux toiles du type « Image, culture, couleur » de 1974 évitent de traiter la couleur comme simple marquant de l’image. La répartition systématique des caches colorés et des caches non colorés et celle des plages de couleurs réparties selon une combinatoire des primaires et des complémentaires (quitte à garder sur les marges les couleurs utilisées en rappel — procédé que nous avons déjà rencontré plus haut) construisent une toile qui, structurée par les pliages orthogonaux qui arrêtent nettement la diffusion de la couleur, complète les grands travaux d’images quadripartites(voir "images, culture, couleurs) et utilise les possibilités de la toile libre pour développer les rapports colorés. Ce qui vient construire la toile, c’est le jeu des couleurs et des formes que les compositions quadripartites simplifient par l’utilisation d’un pliage minimum, parallèle aux côtés de la toile et qui en reproduit la quadrangularité.

++++ PEINTURE EN PATCHWORK

L’UNITE DES FRAGMENTS

Déchirer et recoudre, fragmenter pour reconstruire, pratique née des nécessités de construction du lieu plastique par un rapport nouveau aux éléments plastiques, et poussant à bout la nouveauté de ce rapport pour en transformer encore la valeur.

Dans tous les cas de travaux d’images — qui demeurent toujours la première partie du processus de constitution du Patchwork restent la différence, l’opposition, entre l’image et son support, le tableau et ses moyens, alors que la mise en œuvre plastique implique que l’on puisse tenir le tableau, la toile achevée, peinture et forme, comme un tout.

Fragment du Patchworh n° 7, 1974

C’est enfin là que résident la nécessité et l’intérêt du Patchwork : parce que la déchirure qui lui prélude n’est pas celle de l’image mais celle de la toile, son remontage produit une fusion entre l’image — le creux, l’absence — et ses moyens, la couleur, la disposition. Couleur et composition prennent ainsi dans le Patchwork une valeur nouvelle : la couleur ne se limite plus à son rôle de marquant de l’image ou d’élément de composition ; elle devient complément de la couture dans la redistribution de la composition, dans le dépassement de la soumission au pliage initial même si la déchirure dans le droit fil restitue l’orthogonalité comme en négatif ou en contrepoint.

Le remontage du Patchwork peut encore donner lieu à deux attitudes apparemment contradictoires : celle qui consiste à réunir les fragments au hasard et celle qui s’efforce de restituer l’image de départ ; à vrai dire le Patchwork n’est lisible, comme remontage aléatoire ou non, que par rapport à la même référence : l’image (les images) de départ ; les remontages peuvent donner l’impression d’une intégration plus ou moins grande du hasard dans la pratique tant que l’on ne considère pas le Patchwork comme un tout, un tout d’un résultat à l’autre, un tout dans le processus. La contradiction entre ce qui serait aléatoire et ce qui ne le serait pas se transforme en complémentarité du traitement des compositions initiales des travaux d’images, soit que la déchirure et la couture s’appliquent à restructurer des dispositions d’images sur une toile, soit qu’elles conduisent à transformer la composition d’un tableau. Remonter ou non en l’état c’est poser, dans une autre phase du processus, le problème du rapport à la composition du travail d’images, soit comme composition individuelle, soit comme composition inscrite dans l’histoire de la peinture et appliquer à ces rapports le même processus transformateur : déchirer, coudre.

Là encore la pratique plastique a imposé sa logique et a conduit le peintre à poser comme historique un problème d’abord perçu comme individuel, c’est ainsi qu’Alocco approfondit son rapport aux images et au tableau en ce qu’il réalise non seulement une figuration mais aussi une composition historiquement situées. Déchirer et coudre assument alors pleinement leur rôle de pratique de constitution du lieu plastique, elles inscrivent autrement le temps, permettent à tout moment d’écarter tel fragment ou d’en introduire d’autres, de manipuler, de brasser des images en débordement, de matérialiser le rapport d’une pièce à l’autre, d’une série de fragments à l’autre, pratiques en débordement, on retrouve les chutes de fils

chutes recyclées

qu’elles produisent ordonnées le long des baguettes présentées avec les patchworks comme l’objet inversé de leur rôle.

++++ INDICATIONS BIBLIOPHILIQUES :

Marcel ALOCCO
« In-scription » (Galerie À. de la Salle, 1970)
« La (Dé-) Tension » Galerie À. de la Salle, 1972)

Egidio ALVARO
« Le Laboratoire de l’insensé » Cat. 1974

Raphaël MONTICELLI
« Alocco, la Peinture déborde’ Cat. « Patchwork » (Galerie À. de la Salle, St Paul de Vence, 1974)
« Une démarche en crabe » Entretien (‘‘Artitudes”’ n°24, juin 1975)
« Patchworks » Entretien (N.D.L.R. n°1, 1976)
« Fragment du Patchwork » (N.D.L.R. n° 3/4 1978)

Patrick ROUSSEAU
« Processus & assemblage » (Cat. Activité 1978/1979, “30” Paris, 1978)

Michel VACHEY
« Alocco, Dolla, Viallat, logique de l’empreinte »(‘Art Press’”’ n°11, mai 1974)

Iconographie :
“Cahier’”’ n°8, octobre 1975. Alocco, travail 1965-1975.
12 diapositives, texte de Raphaël Monticelli.
IMAGO (4, passage St Avoie, 75003 Paris)
“Chercheurs d’art”’. Film 16 mm en couleurs, 52 minutes, de Claude GUIBERT. Production IMAGO, Paris)-

 

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