MICHEL BUTOR ET RAPHAËL MONTICELLI
Ce ping pong, dont la deuxième partie s’est déroulée chez Jean-François et Marie Dominique Dubreuil dans leur appartement-galerie au 30 de la rue Rambuteau, à Paris, a été publié en 1991 par Z’éditions (Nice), dans « Échanges, carnets 1986 » de Michel Butor.
Ping pong
entre Miche Butor
et
Raphaël Monticelli
Première mi-temps, Nice–Lucinges, septembre 1989
Deuxième mi-temps, Paris, 11 novembre 1989
Carmelo Arden Quin
I
Service Raphaël Monticelli :
Personne ne me paraît plus que Carmelo tendre son œuvre d’une plus foncière opposition : qu’il lance MADI dans les années 40 à Buenos-Aires, qu’il préfigure le free-canvas, qu’il développe les Coplanales, c’est en affirmant, péremptoire, l’exigence du mouvement, celle de transformations continues, effectives ou potentielles. En même temps il ne se met à l’ouvrage que dans la recherche de la permanence et le désir de l’immuable. Ses œuvres se présentent ainsi comme l’un de ces lieux, rares, où des forces inégales sont contraintes à s’équilibrer… Rêves d’éternité ? Images de la sagesse ?
Retour Michel Butor
Pièges pour prendre du mouvement et le transformer en immobilité, ce qu’a toujours fait la peinture, une immobilité qui est un concentré de mouvements, un élixir, un germe, pour prendre du temps et le transmuer en éternité, c’est-à-dire un temps sans oubli, une vie qui ne soit plus inéluctablement mort aussi, dans laquelle tout s’ouvre sans jamais avoir à se refermer, au cours interminable de laquelle nous connaîtrons les petits-enfants de nos petits-enfants et retrouverons les grands-parents de nos grands-parents, clés pour inventer la sagesse, nous délivrer du règne actuel de la monnaie pour aborder enfin au langage dont les dieux engloutis nous ont légué le besoin.
II
Service Michel Butor :
Le carré sur pointe avec ses ombres et ses matières qui captent la lumière. Ce sont des pentacles pour évoquer le fantôme de Mondrian qui démarre son fox-trot aux mains d’une entraîneuse à robe de strass et cheveux de métal ondulé. Quel sourire et quelles incitations serpentines ! Il s’agit maintenant de préciser la filiation dont se réclament ces monuments allègrement funéraires avec les pionniers de l’ancien moderne.
Retour Raphaël Monticelli
Et si ce n’était que les traces pérennes que tu veux laisser au monde ancien, Carmelo, fils de la planteuse d’eucalyptus, pionnière de ces espaces géographiques nouveaux ; elle ne connaissait du Paraguay que ce que ce que lui apprenait peu à peu l’arbre conquérant les terres.
Ou encore :
Et si ce n’était que les traces pérennes que tu veux laisser au monde, Carmelo, fils de Torres Garcia, pionnier de ses anciens espaces de la peinture, et de ces espaces laissant l’image du cerf-volant, Icare fait objet trop près du soleil parti.