RAPHAËL MONTICELLI
feuilleton d’un travail commun
INTRODUCTION
Martin Miguel et moi travaillons régulièrement ensemble sur des réalisations communes, croisant nos pratiques, lui la peinture, moi, l’écriture, depuis les années 70. Chacune de nos séries est close : nous n’avons jamais suivi deux fois le même processus. Je précise que, la plupart du temps, depuis sa période des « essuyages », c’est son travail d’artiste qui a provoqué notre désir de voir comment un texte pourrait être introduit dans ses œuvres, ou ce que pourrait donner l’intrusion de l’écrit dans une de ses réalisations plastiques. Quand nous avons décidé, en 2016, de réaliser une nouvelle série d’ « œuvres croisées » pour reprendre l’expression générique de Michel Butor (ou d’œuvres communes, comme Martin Miguel a proposé de les nommer), mon texte (son « sens » comme sa présence dans l’œuvre) devait prendre en compte deux nouveautés dans son travail : l’usage du papier (réalisé par Martin à partir de pâte à papier) à la place du béton, le recours à une iconographie, chose toute nouvelle chez lui, et, qui plus est, une iconographie qui allait chercher ses sources dans la préhistoire.
Mais avant de réfléchir aux questions portant sur le texte, nous avons beaucoup discuté sur la façon dont les images inspirées de la préhistoire pouvaient être prises en compte, lesquelles pouvaient être pertinentes, comment elles apparaîtraient sur ou dans le papier, quel serait le format de l’œuvre.
Nous nous appuyions sur deux références :
la dernière exposition de nos travaux communs à la galerie Quadrige. Les textes avaient alors été écrits sur les feuilles de vinyle sur lesquelles Martin coulait son béton (le texte s’imprimant alors dans le béton. Martin disait que le béton « suçait » le texte)
le livre d’artistes que Martin avait réalisé avec Michaël Glück, « Toroh »
Parallèlement, Martin travaillait sur les illustrations qui figureraient dans l’ouvrage que publierait la Diane française à l’occasion de l’exposition de ces œuvres communes, moi, sur le texte qui accompagnerait les illustrations. Le livre publié par la Diane a donc fait partie intégrante de la réflexion.
Le livre était pratiquement terminé quand nous nous sommes attelés à la réalisation des œuvres. Par « livre pratiquement terminé », comprenez que le texte était terminé, et que le principe des illustrations était acquis et que la plupart d’entre elles étaient réalisées.
Nous avons poursuivi notre réflexion par courriel, y associant parfois Max Charvolen. Lorsque nous échanges ont été un peu plus développés, il nous a semblé qu’il pouvait être intéressant de les réunir pour en conserver une trace, et de les diffuser de manière à partager notre réflexion avec nos amis.
Ce sont ces échanges que nous transcrivons dans les pages qui suivent, dans leur état originel.