RAPHAËL MONTICELLI
Ce texte figure dans l’ouvrage de bibliophilie éditée par la Diane française à l’occasion de l’exposition de travaux de Martin Miguel en décembre 2018
Dès l’origine de son travail, parallèlement aux matériaux rigides - bois (usiné ou brut) polystyrène, pierre, carton, métal et béton - Miguel a travaillé les matériaux souples - toile, coton, papier, corde, fil et cordeau. On notera que ces choix sont autant déclinaisons des deux matériaux de la peinture classique : rigide, le bois (qui donne d’abord, à proprement parler, le « tableau » puis le châssis) ; souple, la toile (à laquelle le châssis donne une apparence de rigidité), et qu’il en a ainsi exploré les propriétés, les avatars et les combinaisons. On notera aussi que le tableau classique, toile tendue sur châssis, comme son prédécesseur, la surface de bois, figure le mur : mur sur lequel on dépose des traces, mur sur lequel on accroche le tableau. On se figurera aisément que lorsque Miguel en arrive à travailler le béton, c’est dans l’intention de revenir au mur initial, et à la paroi originelle. Notons que le ciment se présente sous deux aspects : poudre et pâte fluide-souple d’abord, bloc dur-rigide ensuite.
Ce qui est remarquable dans l’art de Miguel, c’est que le « support », béton, toile ou papier ne précède pas les formes qu’il supporte. Depuis ses tout premiers travaux, l’artiste élabore en même temps le support et les formes. Les éléments qu’il emploie pour constituer l’objet plastique (l’œuvre, la pièce) produisent à la fois la qualité et le format de ce que nous percevons comme « support », et les traces, marques, signes que nous percevons comme formes et colorations.
Lorsqu’il utilise le ciment, les granulats, les tiges métalliques, ce n’est pas pour produire un mur nu, surface sur laquelle il va poser ses traces, figures et couleurs. En fait, il associe aux divers agrégats des éléments qui laisseront traces et formes.