RAPHAËL MONTICELLI
Ce texte figure dans l’ouvrage de bibliophilie éditée par la Diane française à l’occasion de l’exposition de travaux de Martin Miguel en décembre 2018
Miguel a osé habiter l’iconographie préhistorique. Il a osé mettre ses mains, ses matériaux ses outils dans les formes de Lascaux. Il a osé retrouver, rechercher, évoquer les formes enfouies. Et quels débats cela a fait entre nous ! Il a d’abord travaillé ce thème avec et pour le poète Michaël Glück. Pouvions-nous rêver d’un plus fiable intercesseur ?
Pour réaliser ce travail avec Glück - ce livre d’artiste - Miguel a libéré le cordeau dont il se servait pour inscrire des lignes droites sur ses pièces en béton. Il lui a laissé d’abord les formes aléatoires que lui donnait la chute. Puis il en est venu à s’imposer une forme et à imposer une forme au cordeau ou au fil de fer ou de cuivre, plus docile sous ses doigts, par lequel il a remplacé le cordeau. Il est allé chercher la forme comme à l’origine des formes : ce taureau, deux fois forme-origine : forme antique dans la main de l’homme, force animale toujours agissante dans notre imaginaire.
Je dis « dans notre imaginaire ». C’est-à-dire non pas en image définitivement fixée, mais comme surgissant dans la conscience, comme apparaissant (soudain) au regard de l’inventeur. Comme flottant dans l’espace rêvé de la grotte rêvée, et dans la mémoire qui rêve d’en rêver. Forme esquissée, forme incomplète que notre mémoire s’efforce de compléter.