RAPHAËL MONTICELLI
Ce texte figure dans l’ouvrage de bibliophilie éditée par la Diane française à l’occasion de l’exposition de travaux de Martin Miguel en décembre 2018
Il aura fallu longtemps - presque toute une vie - pour que nous comprenions combien la découverte de l’art paléolithique avait bouleversé tout l’art de notre temps. Presque toute une vie pour comprendre que si ces artistes (définitivement des artistes, quoi qu’en dise l’histoire de la langue française qui fait naître art et artiste au XVIIIe siècle) n’étaient pas nos « coetanei », ils étaient pourtant, de fait, nos contemporains. Artistes contemporains au même titre que Picasso, Mirò, Soulage, Tapiès et tant d’autres, les artistes de Lascaux et, plus tard, ceux de Chauvet. Entrés dans nos références contemporaines juste avant nous : ceux de Lascaux ; juste après nous : ceux de Chauvet.
En avons-nous rêvé de passer ne serait-ce qu’un bref moment dans l’une de ces grottes ! Quelle émotion en aurions-nous connue ? Nous avons, au moins Miguel, Charvolen et moi pour en rester à notre petit groupe des années 60, nous avons pu voir les extraordinaires répliques de Lascaux IV et Chauvet. Travail d’architectes et d’ archéo- de toutes sortes, d’ingénieurs, de techniciens, d’artistes. Au bout de cinq à dix minutes de séjour dans la réplique, on y croit. Mais le climat particulier des grottes authentiques, les dimensions vraies, la roche réelle, les odeurs, les courants d’air, ces mille détails pour la plupart imperceptibles, qui façonnent une émotion... Mais notre propre savoir. Notre conscience d’être « dans le vrai » et qui change tout... Tout cela nous manque, assurément.
J’ai souvent dans la poche une réplique de la petite sculpture de la dame de Brassempouy. Une excellente réplique, dont je n’ai pas su percevoir en quoi elle était différente de la sculpture authentique. Il est vrai que je n’ai pas tenu en main l’authentique : je l’ai vue dans sa vitrine, derrière sa vitre, dans l’éclairage parcimonieux de la salle Piette. Quoi qu’il en soit, quand je regarde, cette réplique, dans ma main ou sur son étagère, je crois voir la vraie, et l’émotion qui flottait dans la salle du musée de Saint Germain en Laye, d’où elle ne sort jamais, me revient par bouffées.