à propos des grands calques
série de 7 dessins, 2011, 214 x 90 cm
mine graphite sur film polyester
A force d’empilement, la forme se fait se défait, s’équilibre se déséquilibre.
Le travail s’efforce dans cet entre-deux sans cesse remis en question.
Rattraper la forme, en même temps la laisser se casser, la laisser basculer sans cesse.
Le travail est il terminé lorsque cet équilibre/déséquilibre se fige ?
Bataille physique et mentale.
Le déplacement de la feuille, la main qui n’arrive pas au bout, le corps plié sur l’espace.
Travail recto/verso : Le dessin se fait « en aveugle ».
Il est difficile de voir ce qui se passe là réellement, jusqu’au dernier coup de crayon la forme ne dévoile pas son équilibre/déséquilibre guetté - son immobilité finale.
Incertitude constante, la sensation que le moindre trait, qui n’apparaitrait pas là où il le faut, pourrait tout faire basculer vers la poubelle. Pas de repentir possible.
Le temps demandé est très long.
Puis, d’un dessin l’autre, le corps, l’esprit se calent, s’adaptent au temps du dessin, les choses semblent alors plus simples. Un apprivoisement.
Si le dessin arrive « au bout » lorsque la forme atteint son immobilité, c’est donc que - pendant toute la durée du faire - cette forme est sans cesse vibrante, en mouvement, dans tous les instants de son apparition.
Ces mouvements sont ceux de l’organique, une matière en perpétuelle vibration.
Une forte présence lorsque ce qui se construit là, me dépasse – la forme est plus forte que moi - être surpris par.
Parfois, les choses qui surgissent, sont laissées de coté, ne sont pas reconnues, disparaissent. Ne parlent plus pendant des années.
Puis, un jour plus un jour, le travail conduit « là », vers cette chose précisément, qui se place soudain au devant de toutes préoccupations.
Même phénomène dans la recherche scientifique, on dit alors qu’une réponse n’est pas repérable ou recevable, sans la question. En arts, il ne s’agit pas d’une question ni d’une réponse, mais plus largement d’une préoccupation qui rôde souterrainement.
Ce qui peut rassembler, l’écriture et le dessin serait la matière de « l’air » et l’idée de temps.
Dans le dessin, le papier devient l’air qui porte la forme et dont la forme est constituée.
Dans l’écriture, l’air peut se dire "espace mental" ; le blanc entre les mots, les plis et replis que porte le sens.
Le processus, dans l’un et l’autre, est simplement légèrement différent.
Dans l’écriture l’air est visible, le plus souvent, dans un "écoulement" (la verticalité du texte), dans le dessin, se donne à voir d’un seul coup d’œil, un immédiat.
Avec les livres d’artistes, cette frontière vibre, d’elle-même.
Renversement du phénomène, l’écriture deviendrait une matière - le dessin par la verticalité, par le travail de la main, un écoulement.
Tous deux remuent du temps, travaillent l’espace et tissent l’air.

- Les grands calques