RAPHAËL MONTICELLI
Première partie
D’un coté, donc, la sphère des producteurs, de l’autre, celle des usagers. Entre les deux, les règles qui régissent la circulation, la diffusion, l’appropriation, la jouissance, la délectation, disaient les révolutionnaires de 1793, individuelle et collective de ces objets. C’est ici qu’intervient le marché. Et toutes sortes de questions se posent quant à l’action du marché sur le statut, la vie, la démarche des producteurs, comme sur sa capacité à permettre aux usagers d’avoir accès à ces objets. Et je passerai pour le moment sur les questions qui concernent les contenus thématiques et idéologiques de ces objets, me bornant à les considérer dans leurs seules fonctions structurantes.
Je disais que le marché tel que nous connaissons résulte d’une histoire qui n’est pas propre au seul domaine de l’art. Jusqu’à la fin du moyen âge, et encore pendant la renaissance, on n’achète pas d’œuvre, on loue les services d’un artiste. Les œuvres ne circulent pas. Ce sont les hommes qui circulent. Ils répondent à des commandes collectives, villes, couvent, églises, puis de corporation et des contrats très précis lient les commanditaires aux artistes. C’est, naturellement, avec le développement de la société marchande que les objets commencent à circuler et que les peintres vont adapter leur production aux nécessités de la circulation : oeuvre sur bois, puis introduction de la toile tendue sur châssis. Et il faut attendre la fin de la Renaissance pour commencer à voir émerger les notions d’art et d’artiste et assister à une production indépendante de la commande privée ou publique, et le XIXe siècle pour que se préfigurent un statut social de l’artiste, une idéologie de l’art et un marché tel que nous les connaissons.
Nous entrons alors, et c’est un des effets de la déclaration des droits de l’homme et des constitutions qu’a connues la France, dans une contradiction qui va s’aiguiser de plus en plus au fil du temps : d’un côtéce qui est déclaré, c’est le libre accès aux biens culturels, de l’autre, cet accès est structuré selon une double logique.
D’un coté, une logique publique qui met en place fil du temps des politiques publiques de production et d’accès aux bien culturels qui se présentent toujours comme visant à faciliter l’accès à l’art pour le plus grand nombre, voire pour tous, à favoriser la rencontre entre le public et les œuvres, entre le public et les artistes et qui finissent, ces dernières années, le fait est très important, à changer la notion de public en population.
de l’autre des pratiques privées structurées sur le marché privé et conduisant à réguler la circulations des productions des biens culturels et le statut des producteurs par les lois du marché et, en premier lieu, par le fondement du marché tel que nous le connaissons dans toutes les pratiques sociales : la recherche du profit maximum dans des délais aussi courts que possible et l’organisation dans cet objectif de la circulation des marchandises culturelles.
Il faudrait nuancer la présentation de cette contradiction entre affirmation du droit et réalité de la circulation des œuvres et mise en place de politiques publiques et structuration d’un marché privé ne serait ce que parce que politiques publiques et intérêts privés connaissent des quantités d’espaces de rencontre.
Mais restons sur l’essentiel. La production artistiques qui cherche la diffusion, les modes et les effets de la circulation marchande de l’art.