PRÉAMBULE
“s’ouvre d’un bloc la porte qui paraissait fermée.
L’idée s’infiltre et le sens sourd”
C.V.
Dans le courant des années 60, Viallat fut l’un des protagonistes et l’une des références des dernières avant-gardes françaises. Avant d’être nommé à Limoges, en 1968, il enseigne aux beaux-arts de Nice entre 64 et 67. Ce sont là des années déterminantes où on le voit ouvert à toutes les recherches et réflexions de l’époque, en contact suivi avec Parmentier qui vient de fonder, avec Buren, Mosset et Toroni, le groupe BMPT. Il entretient des relations avec le très dynamique milieu niçois -on commençait alors à parler d’Ecole de Nice- se lie avec des critiques comme Jacques Lepage ou Marcelin Pleynet, des artistes comme Ben, Alocco ou Arman... Il fait partie des peintres qui mettent en place une problématique nouvelle, analytique et critique et, en 1970, il fonde, avec quelques autres peintres, le groupe Support-Surface.
On connaît ce récit de Genèse : considérant le champ de la peinture, et en en reconnaissant les constituants, Viallat, Saytour et Dezeuze, tous trous membres du groupe Support Surface, se partagent le champ comme on se partagerait le monde : à Dezeuse échoit le châssis, à Saytour la toile, à Viallat la forme ou l’image. Même si la notion de constituants, empruntée à la linguistique, ne paraît guère opérante pour rendre compte de tous les processus à l’œuvre dans la peinture, le mythe a le mérite de faire apparaître une posture particulière et de mettre clairement en avant l’attitude analytique, le refus d’une recherche de l’expressivité.
On a pu dire que le “système Viallat”, cette forme identique sans cesse répétée sur toutes sortes de supports et baignant dans des jus colorés toujours différents, naît le jour où le peintre, sollicité pour l’édition d’un tirage de tête, découvre, chez Jacques Lepage, dans la proximité d’Arman, les vertus de l’accumulation et de la répétition. Je n’ai aucun doute sur l’anecdote que je tiens de Jacques Lepage, je n’ai aucun doute non plus sur l’intérêt de Viallat pour la démarche et la réflexion d’Arman, dont il est pourtant, esthétiquement, très éloigné.
Mais l’essentiel du travail de Viallat ne réside pas dans la répétition ou l’accumulation de la forme. La répétition est prétexte, elle est facilitation ; on ne peut pas ne pas y faire référence, mais elle est un leurre. Du fait des supports, des matières, des pigments, des couleurs, des types de pigmentation, l’artiste n’a jamais présenté deux fois la même oeuvre... ni la même forme. La répétition d’une forme de dimensions toujours identiques a permis à Viallat de faire fi des problèmes classiques de composition et de format, de les dépasser et de se focaliser sur deux autres faits : la construction, ou la structuration, du support comme espace plastique, et l’exploration systématique de la couleur...