À mes amis du Clos d’Embertrand, 20 ans après
Loriotte du pays des merveilles
À guetter les loriots, printemps et été passèrent.
Au Clos d’Embertrand, on vit bien dans les arbres des éclairs somptueux, mais était-ce bien le jaune des loriots ?
On entendit leurs chants. Et l’on s’en contenta. On sait ici respecter la distance où se retire tout ce qui aime à se cacher et dont le secret fait la vie même, son battement invisible.
L’automne s’annonçait.
Soudain un midi est déchiré par les cris d’un oiseau.
On se précipite. Tournoiement de plumes, près du bassin où l’eau d’amont chante toujours quelques gouttes.
On croit, dans la forme envolée, reconnaître une buse.
Restait, aile pendante sur sa robe vert pâle, une loriotte, attardée de l’été, la queue jaune arrachée.
Là, en arrêt, au seuil de la merveille, longtemps on va se tenir dans l’ouverture d’un lumineux silence. Accordé dans l’instant au monde, à sa part énigmatique de présence, antérieure à tout langage, splendide au fond de sa fragilité.
Comme un signe venu de l’autre côté du monde, l’oiseau jaune est là.
Dans le visible s’est pris l’invisible. Il tremble.
Loriotte blessée, oubliée des tiens, passereaux déjà loin, tu apportais ce sentiment de tendresse poignante qui s’empare de nous devant les choses périssables quand elles lèvent, du fond du monde, leur présence.
Telle était ta beauté. Travaillée par la mort. Promise. Et sue prochaine.
Tout ce qui vient, s’en va.
Et dans le contre-jour s’éloignent les ombres.
Salut à toi, Loriotte !
Toi seule fait tinter l’eau vive par ici !
( Ce texte a été écrit pour Moussia et Jean-Marie Barnaud. Il a été publié en Italie en mars 2009 pour la collection "La parola e il segno" de Il Laboratorio / le edizioni Nola, tiré à 50 exemplaires accompagnés d’une eau-forte et aquatinte d’Antonio Petti. Remerciements à Antonio Sgambati. )