MICHEL BUTOR
La réinstallation à Harrar
C’est seulement au début de mai 1888 que Rimbaud se réinstallera à Harrar. Il y fait une brève incursion en mars pour tâter le terrain. De retour à Aden il le raconte à Ilg le 29 :
« ...De retour du Harar il y a une quinzaine, j’ai trouvé cotre lettre amicale. Merci.
J’ai en effet fait un voyage au Harar, 6 jours à l’aller, 5 au retour, 8 de séjour là-haut, et une dizaine de jours dans les boutres et les vapeurs (car ’et le plus long et le plus ennuyeux). Ç’a été une campagne d’un mois.
Là-haut bonnes nouvelles. Paix et silence sur terre et dans les cieux.
...
Je repars très prochainement pour le Harar au compte des négociants d’Aden. Je serai le seul français au Harar... »
Dans une lettre du 4 août 1888, après sa réinstallation, il précisera aux siens :
« ..Il y a à peine une vingtaine d’Européens dans toute l’Abyssinie, y compris dans ces pays-ci. Or vous voyez sur quels immenses espaces ils sont disséminés. À Harar, c’est encore l’endroit où il y en a le plus : environ une dizaine. J’y suis le seul de nationalité française. Il y a aussi une mission catholique avec trois pères, dont un Français comme moi, qui éduquent les négrillons... »
Le 4 avril 1888 ; il avait averti les siens de son voyage préliminaire/
« ...Je suis de retour d’un voyage au Harar : six cents kilomètres, que j’ai faits en 11 jours de cheval.
Je repars dans trois ou quatre jours pour Zeilah et Harar où je vais définitivement me fixer. Je vais pour le compte des négociants d’Aden,... »
Au début de mai 1888, il écrit une nouvelle lettre à Alfred Bardey, utilisée encore dans un compte-rendu a la Société de Géographie par la citation suivante :
« ...Je viens d’arriver au Harar. Les pluies sont extraordinairement fortes cette année, et j’ai fait mon voyage par une succession de cyclones, mais les pluies des pays bas vont cesser dans deux mois... »
Enfin aux siens , le 15 mai 1888 :
« Mes chers amis,
Je me trouve réinstallé ici, pour longtemps.
J’établis un comptoir commercial français, sur le modèle de l’agence que je tenais dans le temps, avec cependant quelques améliorations et innovations. Je fais des affaires assez importantes, qui me laissent quelques bénéfices.
Pourriez-vous me donner le nom des plus grands fabricants de drap de Sedan ou du département ? Je voudrais leur demander de légères consignations de leurs étoffes : elles seraient de placement au Harar et en Abyssinie.
Je me porte bien. J’ai beaucoup à faire et je suis tout seul. Je suis au frais et content de me reposer, ou plutôt de me rafraîchir, après trois étés passés sur la côte.
Portez-vous bien et prospérez. »
Quatre étés en réalité. Récapitulation :
vers le 10 mars 1884, Rimbaud quitte Harrar pour Aden,
(le 14 avril 1885 il écrit aux siens qu’il a vendu son appareil photographique « à son grand regret »),
étés 84 et 85 à Aden,
en novembre 1885 il débarque à Tadjoura,
été 86 à Tadjoura,
le 6 février 1887, il arrive à Ankober et e repart pour Entotto,
du premier au 18 mai 1887, itinéraire d’Entotto à Harrar,
avant la fin juillet il arrive à Aden,
le 20 août il est au Caire,
le 26 août il envoie dans une lettre l’itinéraire à Alfred Bardey,
le 8 octobre à Aden,
donc été 1887 à Aden et au Caire, avec le voyage aller et retour,
en fin mars 1888, il va faire une rapide reconnaissance à Harrar, puis rentre à Aden,
au début de mai 1888, il est réinstallé à Harrar.
C’est trois ans plus tard, le 7 avril 1891, qu’il quittera définitivement Harrar sur une civière.