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ÉCRIRE SUR L’ART, Écrire sur l’art, expérience de l’altérité

Publication en ligne : 24 novembre 2008
Première publication : novembre 2008 / article dans revue d’art

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Clefs : problèmes

Article en réponse à une commande de la revue italienne Anterem. Paru en italien et dans une version modifiée dans le n° 79, deuxième semestre 2009 de cette revue.


ECRIRE SUR L’ART
EXPÉRIENCE DE L’ALTÉRITÉ

 

La mise en question du moi,
coextensive de la manifestation d’Autrui dans le visage,
nous l’appelons langage.
Émannuel Levinas

Ouverture
Mon rapport à l’art est d’abord poétique.
Cela signifie qu’il n’est, foncièrement, ni critique, ni sociologique, ni historique.
Cela signifie que les démarches que je mets en œuvre pour comprendre les œuvres de l’art n’utilisent pas, en général, les grilles de lecture habituelles de la critique, de la sociologie ou de l’histoire, mais la méthode empathique de la poésie.

Face à une œuvre d’art, je cherche d’abord à savoir ce que ça creuse en moi ; ce que ça bouscule, en termes de savoir(s). Une œuvre m’intéresse dans la mesure où elle me renvoie à une incompréhension, à une ignorance. Si, littéralement, elle me laisse muet. Si elle me rend incapable de parler. Si je ne sais pas, d’emblée, où trouver les mots pour la nommer, la dire, et dire ce qu’elle provoque en moi. Si, du coup, elle m’oblige à ouvrir des espaces nouveaux de la parole, des stratégies inédites dans ma pratique de la langue : si elle m’impose, en d’autres termes, de parler une langue inconnue. Ou à parler autrement ma langue.

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L’oeuvre, visage de l’autre
Si, par la force des choses, de nombreuses œuvres de l’art contemporain se présentent ainsi à mes yeux, c’est d’abord dans mes relations avec l’art du passé que j’ai connu cette forme particulière de l’aphasie : un objet est là. Indéniablement produit d’humanité. Pourtant, rien en lui n’est immédiatement saisissable par moi. J’ai beau faire appel à mes connaissances, quelque chose, là dedans m’échappe, qui m’oblige à suspendre ma marche, mes réflexions, qui me fige sur place et me plonge moins dans l’interrogation que dans la perplexité, dans la stupidité.

Entrant, pour la première fois, dans le musée de l’Orangerie, à Paris (c’était en 1964), j’ai connu, le même jour, dans ce même lieu, deux expériences fondatrices ; la première est assez banale : l’appareil critique du musée permettait de comprendre, historiquement, la révolution impressionniste. L’adolescent que j’étais suivait les mots, regardait les tableaux, comprenait l’intérêt optique, le substrat scientifique, les effets plastiques… et il en était heureux. La deuxième est celle dont je parle… Dans la première salle, que j’ai regardée en dernier, était exposé « le joueur de fifre » de Manet. Rien de ce que je venais de lire ne s’appliquait à cette œuvre-là. Je restai devant elle, vide et démuni. Le fond ne me disait rien. Le personnage ne me disait rien. Sa posture ne me disait rien. L’air qu’il jouait m’était inconnu, inconnaissable et comme infiniment suspendu dans la lumière de fin d’après midi du musée. Les couleurs de ses vêtements me renvoyaient vers une époque encore proche et complètement dépassée… Le joueur de fifre a longtemps fait résonner en moi son silence et aujourd’hui encore, quand je le regarde, je reste suspendu à l’air que décidément il fait vibrer dans une mélodie décidément inaudible et inouïe...

Quelques temps auparavant, j’avais acquis, à Londres, un petit ouvrage consacré aux miniatures persanes. Malgré les défauts de la reproduction, elles rendaient assez bien l’espace occupé par les œuvres représentées, leurs thématiques, leur organisation. Et j’aurais été, de toutes manières, incapable de juger alors de la qualité de restitution des couleurs, des valeurs et des matières du Mahomet à Médine, de la naissance de Tarmelan ou de deux cavaliers chassant… J’attribue la responsabilité de cet achat à Montesquieu dont la lecture des Lettres persanes m’avait taraudé lors de ma dernière année de collège. Comment pouvait-on, en effet, être Persan ? Comment pouvait-on ainsi représenter le monde, les corps, les paysages, les bâtiments, les animaux ? La scène de chasse fut le premier texte sur l’art que j’ai été amené à écrire tant le dépaysement était fort, tant j’avais besoin de me servir de mots pour sortir de l’insuffisance de moi-même. Et moi-même, comment pouvais-je être Persan ?

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Quelques années plus tard, visitant, avec un ami artiste, les musées du Vatican alors que nous venions installer une exposition d’art contemporain dans une petite galerie, nous arpentions, dégoûtés, les salles dégoulinantes d’art du XIXème siècle, et nous engagions dans les fastes du XVIIIème et du XVIIème avec la même lassitude écoeurée. Emportés par l’ennui, nous sillonnions les salles de la renaissance quand nous sommes, tous deux, tombés en arrêt : à moins de 10 mètres de nous, à main droite, un tableau comme décoloré. Un personnage fantomatique musculeusement émacié, assis dans une attitude hésitant entre la souffrance et l’imploration, faisait face à un lion couché, gueule ouverte. Sensiblement de format grand aigle, le tableau semblait de dimensions réduites après les grandes tartines que nous venions de voir… Nous nous sommes retrouvés tous deux, côte à côte, muets, face au Saint Jérôme de Léonard de Vinci, dont nous apprenions qu’il était inachevé. Ce fut un de ces très rares moments, dans une vie, de bouleversement partagé. Mon ami, après ce choc, cessa de peindre pendant plusieurs mois. Je regarde cela aujourd’hui comme la version plastique de mon propre mutisme. Il n’y avait pas quelque chose en face de nous. Ce n’est pas quelque chose qui nous avait arrêtés, attirés, stupéfaits, c’était la marque indiscutable de la présence de quelqu’un. Et ce quelqu’un imposait non seulement un travail mais une démarche, une réflexion en cours, une interrogation sur la sainteté, la solitude, la souffrance, à quoi, tout à la fois, nous ne pouvions être étrangers et qui, en même temps, passant à travers des accumulations considérables de temps et d’espaces, se présentait à nous sous une forme radicalement différente de tout ce que nous connaissions et de tout ce à quoi nous nous attendions.

Cet épisode s’inscrit dans ma vie quelques mois à peine après ma rencontre avec cet artiste qui, d’une certaine manière, inaugura pour moi mes relations avec l’art contemporain. J’étais alors étudiant en lettres et, intéressé par la musique et le théâtre, je fréquentais le club d’une compagnie qui présentait régulièrement des expositions d’art contemporain : artistes de l’école de Nice, Editions ED (alors basées à Milan)… C’est dans ce contexte que je rencontrai des personnalités comme Ben et Alocco et que, par l’intermédiaire d’Alocco, je me retrouvai, par un bel après midi de printemps, dans l’atelier de Noël Dolla. L’objectif était que je prenne connaissance de son travail de manière à en rédiger, si possible, une présentation pour l’exposition de Rome. Je suis entré dans la mansarde qui lui servait d’habitation et d’atelier, quelques chiffons ou des serpillières étaient étendues dans la pièce principale ; dans la cuisine une lessiveuse bouillait. Après une longue conversation de présentation réciproque, il me demande ce que je pense de son travail ; je lui réponds que je suis curieux de le voir. De la main désignant les torchons étendus, il me dit que c’est ça et ajoute : « il y en a d’autres en préparation dans la lessiveuse. » Ce jour là aussi je suis resté sans voix. Bousculé. Bouleversé. Ce qui venait, là encore, de faire irruption dans ma vie, c’était une démarche qui n’entrait dans aucun de mes schémas ; une approche absolument inattendue. Une radicale altérité. Et c’est pour approcher, comprendre, apprivoiser, amadouer cette altérité que j’ai commencé à écrire systématiquement sur l’art ; sur cette expérience particulière dans l’art qui vous confronte à ce qui vous est aussi éloigné que possible et qui vous oblige, radicalement, à intégrer l’altérité en vous. C’est pourquoi toute autre démarche que poétique, c’est à dire toute autre démarche que celle qui porte sur l’expérience la plus intime et la plus perturbante de la langue, dans ce que la langue porte de plus ancré dans l’individuel et dans le collectif, à la fois maternelle, charnelle et terrestre, ombilicale pourrait être le mot : nourricière et nécessairement perdue, tout autre démarche, même si elle est ponctuellement juste et nécessaire, est foncièrement insuffisante pour rendre compte de la rencontre avec l’œuvre qui est avant tout une rencontre avec l’Autre.

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Visages de la féminité

Lorsque Valérie Sierra m’a demandé un texte pour l’intégrer dans son livre d’artiste « Je Vous Salue Marie », mêlant des photographies de Robert Geslin, des démaillages de fragments de bas de soie, des gravures à l’eau forte à partir de ces démaillages, et des manuscrits, je me retrouvais bien face à un ouvrage complexe, qui mêlait le mort et le vivant, le corps de la femme, son ornement et sa souffrance, l’expérience de l’amour, de la perte, de l’avortement et du deuil. Ce Chef d’œuvre, au sens que le compagnonnage a donné à ce terme, réalisé à 12 exemplaires, était une somme de l’écartèlement féminin. J’ai eu toutes les peines du monde à y glisser ma langue, mais je savais, dès la première rencontre, que je donnerais une sorte de stabat mater, en écho à son titre, que je pourrais trouver moyen de dire l’écart en me tenant dans cet arc de la vie de Marie, entre l’Annonciation et la mort du Christ, que cela pourrait nous servir de territoire commun. La première strate du texte a été constituée par une libre interprétation du texte du « stabat mater » de Jacoppone Da Todi, respectant l’octosyllabe et le nombre des tercets. A partir de ce texte ont été produites des dizaines de milliers de versions par combinaison aléatoire des segments de la première strate. De cet ensemble, j’ai retenu (et non choisi) 12 versions (correspondant à 12 « moments » particuliers de la production des versions). Ces 12 versions ont été dispersées, manuscrites, dans les 12 exemplaires de l’ouvrage de Valérie Sierra. L’ensemble constitue un recueil, inédit, intitulé Les Fils de la Vierge.

Si j’insiste sur ce texte particulier, c’est que l’œuvre de Sierra m’a conduit à une situation extrême d’altération de ma propre identité, jusqu’à la mise en danger : j’avais utilisé des techniques d’écriture dont j’étais coutumier et qui ne m’étaient pas absolument personnelles et je m’étais appuyé sur un référent religieux commun ; les éléments du texte initial croisaient des termes tirés des divers niveaux d’approche, d’approximation, du livre et de l’œuvre de Valérie Sierra. La lecture de la réalisation finale m’avait pourtant terriblement déstabilisé : jamais je n’avais tant approché la perte de moi-même. J’ai, comme chacun, un petit premier cercle de lecteurs à qui je soumets mes réalisations avant publication. Dans ce cas, ce premier cercle même m’a paru inadéquat. J’ai envoyé les fils de la vierge à Jean Claude Renard, avec qui je venais de terminer un livre et qui ne faisait pas partie de mes premiers lecteurs habituels. Sa place dans la poésie française, son inspiration religieuse, sa sensibilité esthétique et la confiance que j’avais en son jugement et en lui m’y ont poussés. Ça n’est qu’après avoir reçu sa réponse que j’ai pu commencer à me déposséder de mon texte, que j’ai pu commencer à me l’approprier et à me transformer moi-même de ce que j’avais écrit, que j’ai pu commencer intégrer en moi une altérité personnelle que j’avais d’abord vécue comme une profonde altération de l’écriture. Ce texte, et cette œuvre, sont devenue centraux dans mon travail. Je doute qu’il me sera donné un jour d’aller plus loin dans ce type d’expérience.

A vrai dire, le travail que m’a permis l’œuvre de Valérie Sierra s’intègre dans une relation plus large à une altérité particulière sur laquelle je travaille depuis longtemps : la féminité. Je travaille avec de nombreuses artistes et se pose chaque fois moi la question de leur position particulière du fait de leur féminité, le cas particulier de la création féminine ou de la création au féminin est pour moi la première et la plus constante des formes de l’altérité. L’Autre est d’abord femme, et mon travail sur la féminité a été, et reste largement, une volonté de développer en moi les territoires de la féminité.

Cette féminité, nous la trouvons d’abord dans la peinture masculine, très largement comme thème, plus rarement comme procédure ; le traitement du corps de la femme dans l’œuvre de Klein, de Raysse ou de Jean Jacques Laurent, de son sexe, dans celles de Rosa, de Miguel ou de Maccheroni, de la notion de matrice et de maternité dans celle de Charvolen, de ses postures et de ses techniques dans celle d’Alocco, tout cela m’a donné l’occasion d’explorer une altérité que je perçois comme constitutive de notre humanité.

Mais cette féminité n’est jamais autant à l’œuvre que chez l’art au féminin, et je vis comme un manque et un gâchis lamentable la situation d’exclusion dans laquelle se sont communément retrouvées les artistes femmes dans l’histoire.

Le groupe des Nouveaux Réalistes, qui ont été les premiers artistes contemporains, dont le travail m’a questionné ne comptait qu’une femme, Nikki de Saint Phalle ; il n’y a pas une seule femme parmi tous les artistes des deux groupes de la peinture analytique et critique, qui ont été ceux qui m’ont donné les premières occasions d’écriture : Support-Surface et le Groupe 70. Ecrire sur le travail artistique de femmes est toujours une expérience d’emblée plus bouleversante : elle m’oblige à transformer ma façon d’écrire en me plaçant du point de vue de la femme, de son corps par elle vécu et senti, de sa façon de percevoir le monde, les autres et les hommes. C’est sans doute cette expérience radicale de la féminité qui m’a si profondément troublé dans la lecture des Fils de la vierge. Les performances d’écriture de Bernadette Griot, celles, extrêmes, quasi chamaniques de Luisella Caretta, les anti-bustes de Monique Thibaudin, les incendies d’Anne-Valérie Gasc, les presque rien de Geneviève Baquier-Escudier ou d’Anne-Marie Lorin, les espèces d’aveuglements d’Amande In, les au-delà du silence d’Aurélie Nemours, l’érotisme particulier des sculptures de Martine Orsoni ou de Michèle Brondello, les tricotages d’espaces en boucles de crins ou d’encre de Pierrette Bloch m’ont conduit à des refontes inédites et imprévues de mes dispositifs d’écriture et à des formulations, des images, inattendues, m’entraînant dans des transformations stylistiques qui m’ont toujours laissé différent de moi-même.

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Ecriture et altérité
Il est clair toutefois que cette altérité de l’œuvre ne saurait être absolue : si elle l’était, je n’aurais absolument aucune prise sur elle, j’ignorerais jusqu’à mon ignorance, et resterais muet dans mon mutisme, aveugle dans mon aveuglement. Il y faut un minimum de partage, un lieu à partir duquel je puisse mesurer l’écart. Sans doute cette « présence » dont je parlais plus haut et qui permet la rencontre ; une manifestation, quelque chose qui fasse immédiatement apparaître une présence. Si éloigné que m’ait paru le travail de Dolla de tout ce que je savais de l’art, je rencontrais Dolla et je voyais clairement une volonté et un projet à l’œuvre. Je voyais aussi qu’il travaillait des matières et des matériaux, supports, tissus, pigments, liants, procédures de fixation etc. : autant d’objets que je reconnaissais comme faisant bien partie de la peinture. Des années plus tard, rencontrant l’œuvre de Leonardo Rosa, je reconnaissais dans la cendre qu’il employait comme pigment à la fois une matière et un symbole. D’autres civilisations et d’autres cultures l’avaient largement employée et notre époque continue à en faire un usage pratique et symbolique. Il s’écartait pourtant de ce que je connaissais, dans l’emploi esthétique qu’il en faisait, systématique, diversifié, économique et, dans telle période de son travail, exclusif.

Bien entendre cette radicalité, cette radicale altérité. Bien l’entendre, c’est mettre en jeu sa propre identité, c’est se laisser altérer. Je dis « poésie »… entendons-nous : je dis « poésie », pour dire « parole altérée ». La rencontre de l’art, si elle est celle de l’Autre, déjoue les approches discursives déjà connues de moi. Cet Autre m’oblige à une parole autre. Plus je perçois une œuvre comme la marque, la trace ou le témoin d’une démarche qui me tient à distance, plus il m’importe de couvrir cet écart, cette béance, ce manque ou cette absence à dire ; soit que je me rapproche d’elle et, me laissant submerger, vais me couler en elle, soit que je la rapproche de moi, et cherche à la faire mienne, à me l’approprier. Dans les deux cas, c’est un autre moi qui est à l’œuvre : à la fois un autre qui , de sa place, peut dire "Moi" ; à la fois "moi", qui, s’altérant, altéré, devient autre.

Quand je dis « poésie », je veux dire que mon emploi de la langue pour rendre compte de l’expérience de l’art est expérience de l’altération, de la transformation de l’usage de ce dont je dispose de plus intime et de partagé, de plus commun, la langue. Ce que la rencontre avec l’œuvre produit dans mon usage de la langue et dans cette forme particulière de l’écriture poétique, apparaît, bien entendu, au plan formel : la forme de mon écriture s’en trouve affectée ; je n’adopte jamais le même style pour rendre compte d’œuvres différentes. Mais, puisant au fond de mon être au monde, au fond de mon usage de la langue, des ressources que j’ignorais avant la rencontre, j’en suis moi-même affecté. J’ai l’habitude de dire qu’une œuvre ouvre en moi des zones particulières de sensibilité, des territoires que je perçois comme nouveaux, c’est-à-dire que non seulement elle me donne la capacité de percevoir ces objets nouveaux pour moi (les œuvres auxquelles je me confronte), mais qu’en outre, elle réorganise de façon inédite la manière dont je ressens l’ensemble des objets, à commencer par les œuvres que je connaissais déjà, et, plus largement, la façon dont je perçois le monde ; je ne sais pas toujours si une œuvre nouvelle me fait découvrir ces territoires, au sens géographique du terme, si elle les invente au sens archéologique, si elle les établit, les fonde, ou si elle crée « en moi » des territoires qui n’existaient pas avant, élargissant ainsi cet espace que l’on désigne comme intérieur. Quoi qu’il en soit, cette altération dont je parlais plus haut, met en cause mon identité, mon système de valeurs, et, pour tout dire, je ne demande guère davantage à une œuvre d’art que, me bouleversant, de m’obliger ainsi à me reconstruire, à me reconstituer.




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QUELQUES SCORIES

Comment, dans mon exercice de la langue, m’efforçant de considérer l’autre non en objet mais en sujet, je parviens à me poser non en sujet mais en objet.

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Cette transformation, disais-je, doit passer par mon expérience, mon exercice de la langue. Une œuvre, tant que je ne l’ai pas, d’une manière ou d’une autre, dite, tant que je n’ai pas produit à son sujet, ou autour d’elle, une sorte d’équivalent verbal au manque à dire qu’elle creuse en moi, continue à me laisser stupide et muet. Il y faut ainsi du travail. Pour passer de la stupidité muette à l’appropriation transformatrice, il y faut du travail de langue.

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Que le travail de langue passe ou non par un cahier des charges précis, il s’accompagne la plupart du temps de longs préliminaires, d’approches, d’approximations verbales, comme de balbutiements, d’hypothèses de formulations que je tourne et retourne en moi même, d’effort de structuration et de mise en place d’un dispositif particulier d’écriture propre à me faire rendre parole.

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Excitation d’écriture : une fois les premières approches faites, je dois aboutir à l’objet « texte » : si je sais assez précisément ce que j’engage et comment je m’y engage, j’ignore toujours, jusqu’à ce qu’il soit donné à la publication, ce que sera le texte réalisé ; il ne sort jamais tout armé de ma tête : résultant de procédure inédites pour moi, il devient produit d’un autre moi…

*

Si l’on veut bien considérer l’œuvre comme manifestant, sans cesse, le visage de l’Autre, lui rendre écriture, c’est donner naissance en soi même à une parole possible du visage de l’Autre ; c’est se soumettre au devoir inconditionnel envers l’Autre qui irréductiblement hors de moi et sans cesse, agissant en moi, ouvre et transforme l’en-dedans de moi ( ?)

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