BEATRICE BONHOMME
Et désormais tu dors en moi avec tes mains de gisant, avec tes yeux couleur de menthe
Tu dors avec tes mains feutrées, la croix posée sur tes matins et maintenant tu restes couvert des larmes du silence
Et désormais demeure en moi avec ton corps de pierre, ta respiration de dormeur dans l’eau originelle des matins de lumière
La mousse a recueilli la pierre de tes mains, les rires de ta voix
Tu dors en moi avec ta présence de vie sur le granit de la tombe, tes yeux fermés sur la lumière, ton coeur battant au creux du mien
Et désormais, tu dors au centre du coeur avec tes mains de silence et de nuit, ton visage de pierre au centre de la pierre du corps et je porte la pierre de ta vie, la pierre de lumière
Au centre de mon coeur avec l’oiseau de tes ailes qui se heurte contre la paroi de mes côtes et l’angoisse veloutée de ton absence à être
Tu dors en moi dans la tranquillité insoumise de ta bataille, dans l’étroitesse meurtrie de tes poumons de pierre
Tu respires avec la respiration calmée d’un nageur de hauts fonds dans l’eau originelle d’une transformation de méthode
Et chaque élément de ton corps est une porosité de toi qui court le monde
Tu dors en moi comme un placenta de pierre et de vie où coulent les liquides d’une métamorphose de souffle, où l’on soutient ta tête pour une nouvelle bataille de limon et de nuit
Et désormais tu transformes ton corps en couleur et l’oeuvre reste dans le regard si vert d’un matin de printemps
Tu habites le monde et la pierre. Tu es là dans la pierre du monde et le squelette de ta vie est une merveille de construction fine, une pureté menue de chevilles quand se détachent les tendons et ne reste que la beauté magique de ton architecture de lumière, dans l’Iris de Suse des matins
Tu habites par la dentelle d’un corps délivré du temps
la tombe couverte de neige ou irisée d’un cristal de rythme
l’architecture de ta construction, la blancheur nacrée d’une main devenue phalange
Dans les transformations de ton corps opèrent les saisons comme des nidifications de feuilles
Tu es posé sur l’étrangeté des mondes, dans le coeur dormant de la nuit, et les larmes coulent sur ton cercueil de neige, dans la dentelle de tes mains d’os et de pierre
Tu restes cet élancement aussi beau dans la mort que dans la vie, cette architecture noble que jamais ne touche l’effroi d’une pourriture
Tu t’en sors, tu passes par là, mais tu t’en sors avec ton visage devenu d’os et de nuit où creusent les orbites de tes yeux. Mais ton regard est toujours là, ton regard de peintre posé sur le mannequin drapé
Tu habites le monde des couleurs et le paysage se retrace derrière tes orbites dans la pureté inoubliable de ton élan vers le monde.