A propos de quatre oeuvres de Claude Giorgi présentées dans le cadre de la "fête du Château", Nice 1993.
Claude Giorgi est né à Nice en 1954, il expose depuis 1968
Chez Claude Giorgi le problème n’est pas de pratiquer une technique mais d’expérimenter, de découvrir, dans l’explorations de savoir-faire parfois inédits, des modalités nouvelles d’expression. Je connais de lui toute une série d’oeuvres liées au thème de la mer qui travaille systématiquement le rapport à l’objet, l’opposition entre fabriqué et naturel, et qui me parait ainsi de nature à renouveler son expression. De la même façon sa série du “Mur de Berlin” pousse au plus loin l’inquiétude de la brisure. En ce sens, Claude Giorgi se pose en artiste les problèmes des techniques de l’art.
Ce qui m’a particulièrement intéressé, c’est ce qu’il était capable de faire du thème de la paix. Je fais partie de ceux qui n’aiment pas que l’on transforme l’art en discours politique ou idéologique. Je n’aime pas que l’on fasse des oeuvres pour illustrer un thème, si noble soit-il... En même temps, il y a des moments dans l’histoire qui poussent à l’expression, et une force dans certaines oeuvres qui fait que le thème ne prend pas le pas sur l’œuvre... L’art n’est pas alors illustration du thème qui lui sert de prétexte : le thème devient le tremplin d’une oeuvre.
Ce qui m’a retenu dans la série de la paix de Claude Giorgi, c’est qu’il est capable d’une méditation générale sur l’idée de paix non par soumission à ce que l’on peut dire du thème, mais par attention aux rapports de matériaux et de formes. Au lieu de figurer la paix ou un état de paix, il travaille sur le mot. Ce mot est écrit dans du métal ou du béton. Ecrit dans le métal, il joue du plein et du vide, de l’imprimé ou du cursif ; moulé en béton, il est armé de ferrures qui le structurent ; dans tous les cas il s’orne de stylisations de colombes... Je crois qu’il y a là deux directions de recherche : le rapport entre signe et symbole d’une part (le mot paix, les colombes stylisées), les rapports de matériaux qui engagent une nouvelle symbolisation (la paix écrite en métal et béton brut de décoffrage, signifiée dans les matériaux majeurs de nos constructions urbaines) qui apporte quelque chose d’important à notre imaginaire...
L’aventure de Claude Giorgi s’inscrit enfin dans les problèmes de la circulation de l’art. Là encore, sa démarche me paraît exemplaire. En travaillant et exposant à l’Artelier, une petite salle qu’il anime, Claude Giorgi est en train d’inventer une forme d’art de proximité analogue à ce que revendiquent des gens comme Nux Vomica. Ce qui m’intéresse c’est qu’il pose du même coup de façon très pratique et urgente la question du rapport entre l’art et les gens.