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RAPHAËL MONTICELLI

MOTS D’ILS

Presqu’un dialogue avec Gérard Duchêne

Publication en ligne : 21 juillet 2008
Première publication : novembre 1989 / Monographies
Artiste(s) : Duchêne

G. Duchêne, écriture

Le travail de Gérard Duchêne m’intéresse depuis les années 70. Pendant des années j’ai rêvé de le présenter. Ce fut chose faite trois fois : deux expositions personnelles que j’organisai à Nice, la première en 1984, dans l’ancien local de la galerie associative Lieu 5, la deuxième en 1989, dans le nouveau, l’Hermerie le Cairn. La troisième fois, c’était en 1984 encore, à l’occasion des écritures dans la peinture, l’exposition inaugurale du Centre National d’Art Contemporain de Nice, où Duchêne consituait l’un des peintres de ma -petite- sélection aux cotés de Jean-François Dubreuil, Marcel Alocco et Pierrette Bloch. Je souhaite, depuis, avoir le temps et l’occasion de défendre ce travail, d’en parler, mais, curieusement, si ma passion ne s’est jamais démentie, les mots pour la dire -et le temps pour le faire, et l’occasion pour y obliger- ont longtemps fait défaut... C’est ainsi. Au seuil de dire pourquoi, peu à peu, cette oeuvre a pris pour moi une importance telle que je la situe parmi les plus grandes, ma réticence n’est due qu’au doute que je fais peser sur ma capacité à la présenter à la hauteur de sa valeur.

En janvier 1989 l’occasion s’est enfin présentée. Restaient à définir les orientations et le cadre... Travail sur les oeuvres, lente imprégnation raisonnée de l’historique du travail, contacts divers avec Gérard Duchêne, rapport avec sa terrible écriture critique : Gérard Duchêne est un redoutable analyste de son propre travail... En fin de compte une position est prise en commun qui m’agrée complètement, parce qu’elle me paraît aussi bien "coller" à la démarche de Duchêne qu’au type de relation que j’ai pu tisser avec elle et... avec Il : Gérard Duchêne me parle d’un texte qu’il vient d’écrire et qui se présente comme réponses à une série de questions de lui-même, à lui-même. Je lui propose aussitôt de me poser les mêmes questions auxquelles je répondrais moi-même, en signant de mon nom, mais en écrivant à la troisième personne, comme si j’étais lui, mais étant entendu qu’il ne s’agirait aucunement pour moi d’adopter son point de vue. Il nous serait loisible par la suite, si nous y voyions intérêt, de comparer les deux séries de réponses.

Ainsi a été fait... Le texte qui suit est écrit à la première personne, mais souviens-toi, lecteur, que c’est le critique qui écrit.... Ça me paraît tout à fait conforme à la démarche du "Journal d’Il". Une dernière chose dans l’organisation de cette singulière interview : toutes les questions ont été écrites par Duchêne à la suite l’une de l’autre sans attendre mes réponses. Mais j’ai donné les réponses sans prendre une connaissance préalable de la totalité des questions... C’est un autre élément de la règle du jeu.

 

 

 

++++

 On peut passer une vie à parler ou à se taire ; je me tais en écrivant G.D. 1988

 

J’ai choisi de peindre avec le texte comme matière première GD

 

Il : Ecrire ou peindre ? Sous quelle étiquette peut-on te placer ?

Je : Je pourrais me mettre à vilipender les étiquettes. Ça ne m’intéresse plus. Il ne peut y avoir aucun doute là-dessus, indubitablement, je peins. Cela dit, la question mérite qu’on lui reconnaisse son poids de bizarrerie. Te viendrait-il une minute à l’esprit de demander à Corot s’il faut le classer parmi les peintres ou parmi les techniciens du paysage ? Ou à Cézanne ? Ou à Dürer s’il est zoologue ? Ou à Monet s’il se compte parmi les artistes du bassin ? La réponse tombe sous le sens : j’utilise de l’écriture comme Cézanne utilisait la sainte Victoire, ou Monet les nénuphars ou la cathédrale de Rouen... Je suis un paysagiste de l’écriture... Voilà. En première approche, je dirai que l’écriture, c’est la réalité que je représente. A ce point de la discussion j’ai deux choses à préciser qui tiennent au statut particulier que j’accorde à l’écriture dans mon travail. Tu sais que ce n’est pas n’importe quelle écriture qui me sert de "modèle". Je dis modèle pour reprendre l’idée des peintres de la figure que j’utilisais plus haut... Je me sers de ma propre écriture, de mes propres gestes et, en gros, de mes propres textes. Je crois que la précision est d’importance : je ne figure ni l’écriture, ni une écriture... pas même mon écriture, c’est mon "écrire" que je représente, comme acte et comme sens. Dire que je le représente n’est d’ailleurs pas très juste. Ma première approche était plus juste : mon modèle, c’est mon écrire, acte et sens. Ce qui t’est certainement aussi clairement apparu, c’est que je ne me pose aucunement en esthète de la forme des lettres ou du texte : ni écrivain (mon problème ce n’est ni le style, ni le calligramme), ni calligraphe. Ma deuxième précision semblerait peut-être prétentieuse si je n’étais pas en train d’écrire par la plume d’un autre (je l’ai dit : je ne suis pas écrivain... ni critique)... Il y aurait à écrire -parmi d’autres- une histoire de l’art qui serait celle des modèles : quel modèle (quel prétexte) est introduit à quel moment dans l’art, et pourquoi ? Y-a-t-il eu effet de retour de la figure sur son modèle, et quel est-il ? Quelle variation du statut de l’objet est figurée par sa définition comme modèle et induite par le travail de la peinture ? L’émotion produite par l’incendie de la sainte Victoire dans l’été 89, que devait-elle à Cézannne ? Le long cheminement, de la fin du moyen-âge à la renaissance, de la représentation des éléments du bâti dans l’art est bien entendu en rapport avec des évolutions de société : urbanisation puis valorisation d’une individualisation, voire d’une intimisation du vécu... Banal. Il serait moins banal de se demander ce que les motifs architecturaux dans la peinture ont pu apporter à l’architecture réelle. Et dans le cas de nos modèle plus contemporains, il faudrait se pencher sur le modèle industriel depuis l’impressionisme, le modèle "objet de consommation", depuis le début du siècle, depuis le ready made et les cubistes ; sur la masse de couleur comme modèle depuis Klein, sur le mouvement, le geste comme modèles... J’abrège : ce qui est important, c’est que, dans chaque cas, s’exprime, comme l’on dit, s’esthétise, un certain type de rapport au réel qui, chaque fois, vient faire varier le statut initial de l’objet concerné aussi bien dans le champ artistique que dans la réalité sociale. Ainsi, quand je me sers de mon écrire (acte et sens), j’ouvre la peinture à un type nouveau de modèle. Ce faisant, j’exprime un rapport inédit à l’écrire qui me paraît être particulier à notre époque ; j’oeuvre -j’opère - dans le statut de l’écrire. Mon modèle est singulier. J’ai déjà dit que ce n’est ni celui du calligraphe ni celui de l’écrivain. Ce n’est pas non plus celui de ces peintres de la calligraphie dont parlait Malraux, ces chorégraphes du poignet, du bras ; ni celui de Michaux, quand, de métaphore en métaphore, il glisse de la lettre au dessin. Non. Mon modèle, c’est notre acte intime, massif et douloureux d’écrire. C’est cet objet, perdu parce qu’inutile ou incommunicable à autrui : l’expression de nous-même... notre identité ? L’écriture a déjà servi de modèle. Mon apport, c’est d’introduire comme modèle non l’écriture mais mon rapport à elle : mon écrire dont le sens perdu (en fait je n’écris pas, je... désécris) figure chacun de nous, incertain de sa propre identité, à tout le moins incertain de la validité de l’expression de sa propre intimité.

 

 

 

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Je ne peins pas avec quoi, mais avec comment
GD

Il : Pourquoi peindre le texte. Pourquoi ne pas peindre des oranges ou des cathédrales ?
Je : Je vois bien que je n’ai pas été assez clair sur cette question du modèle... Je crois que l’on peut dire que la cathédrale ne devient modèle majeur de la peinture qu’au XIX° siècle... Il faut une réflexion historique particulière intégrant le moyen-âge comme valeur, il faut un certain dépassement du positivisme, pour que la cathédrale en vienne à faire figure. Elle devient alors l’emblème d’une présence spirituelle, d’une permanence historique et culturelle dans laquelle se situent des actions éphémères dont elle peut plus ou moins garder la marque et auxquelles elle est peut-être chargée de donner valeur historique et symbolique... Elle est aussi, tu le sais, cet objet de l’immuable sur lequel vont jouer des rapports de temps et de lumière qui sont de l’ordre de l’instant.
Alors pourquoi ne pas peindre de cathédrales aujourd’hui ? Je vois bien ici ou là des peintres qui pourraient la réintroduire comme modèle d’une façon inédite, mais en ce qui me concerne, la cathédrale ne joue plus aujourd’hui ce même rôle emblématique ; nous sommes préoccupés par d’autres problèmes que celui des rapports entre temps de l’horloge et temps historique. Ce qui me préoccupe, par exemple, c’est le rapport entre temps réel du travail et rythme personnel, entre durée d’exécution et charge de temps historique de chacun de nos objets, même les plus vulgaires sans aller chercher ceux qui sont trop évidemment des ... monuments. Ça n’est pas loin, n’est-ce pas, des nouvelles préoccupations des historiens... C’est encore que la langue, et singulièrement l’écriture, me paraissent remplir par rapport au temps réel, au temps historique, aux espaces symboliques, un rôle particulièrement actif... L’écrire c’est bien ma cathédrale -ou mon orange- d’une certaine façon.

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Les Durand : une tentative pour démythifier

 

l’image de marque du peintre trop étroitement liée à son nom
GD

Il : Que signifient ces rapports que tu établis, dans ton travail, avec l’identité ? S’agit-il de ton identité ou d’une idée globale d’asservissement par le fait de normes ?
Je : Oui, bien sûr... L’identité, lorsque j’y faisais allusion, plus haut, je disais que la figure de l’écrire renvoyait à ce qui est en chacun de nous incertitude de sa propre identité ou de la validité de l’expression de son intimité. Peut-être d’ailleurs qu’en faisant de la sorte je propose, je revendique, ou je cherche un autre statut et de l’intimité et de l’identité, qui ne soit pas fondé sur une norme impérative ou sur des faux-semblants.
L’un de mes modèles les plus constants -dont j’ai fait le titre de diverses séries- c’est mon "Journal d’Il". Et prends "Il" aussi bien comme la troisième personne (celle qui est absente, n’est-ce pas, de l’acte de communication), que, par exemple, comme une "Ile" au masculin. "Le journal d’Il" pose -comme tels- les problème de mon identité. C’est bien "Je" qui écris, et ce "Je" qui écris fait le journal d’"Il", d’autant plus absent que ma technique d’écriture à la fois permet de reconnaître qu’il y a texte, et le rend en même temps tout à fait impossible à lire. En ce sens se pose le problème de l’identité.
Mais en même temps, ce qui est perdu comme sens (ce qui est désécrit) s’affirme d’autant plus violemment comme réalité plastique. Le peintre est peut-être isolé et absent de la communication, mal identifié ou non identifiable, identité incertaine, perdue ou douteuse, mais la pièce est bien là fondant une identité nouvelle... "énormité devenant norme", non ?
Pour le dire autrement. Je ne suis ni désolé d’une identité perdue, ni en quête d’une identité mythique. Je travaille dans un domaine (et avec un modèle) qui pose, de fait, le problème de l’identité de celui qui oeuvre et de ce qu’il fait, un domaine dans lequel, sans cesse, l’identité des objets et des outils est soumise à questions. Permets-moi de développer.
Celui qui -dès sa sortie des écoles (qu’elles soient d’art ou de n’importe quoi) sait déjà quelle est son identité de peintre, ce qu’il doit faire et ce qu’est la peinture, il y a des chances pour qu’il ne produise jamais une oeuvre. Il se bornera toute sa vie à rendre aux choses leur nom connu. Pour avoir une chance de faire oeuvre, il faut saisir la réalité dans son mouvement, les objets et les êtres en construction constante de leur identité. C’est exactement ce que je travaille avec mes O.C.N.I., mes Objets Codés Non Identifiés. Voici le principe de base : je repère dans des catalogues ou des revues, des reproductions d’objets qui -après traitement plastique- (en gros, je les oblitère) conservent des éléments de différenciation (ne produisent pas une simple tache). Une fois ces objets traités je fais figurer leur nom... codé. Evidemment, d’un objet à l’autre (d’une pièce à l’autre), je change le code... dont je ne conserve évidemment pas la trace.
Dans ce cas la mise en doute, ou en cause, d’une identité (du caractère immédiatement identifiable) est du même ordre que dans le "Journal d’Il", et dans l’ensemble de mon travail de peinture. Mais mon problème n’est pas de dire : "Cet objet n’est pas cet objet ; il est autre" mais plutôt que l’identité n’est jamais que la reconnaissance des codes ou des normes ou des noms... que l’on croit -à tort- invariables.

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L’art n’existe que par la pratique et -pourrait-on dire-
presque uniquement grâce au lieu où il se fabrique : l’atelier.
G.D.

Il : Qui est "Il" dans le "Journal d’Il" ?
Je : J’ai déjà répondu à cette question... "Il" est un "je" qui s’absente, ou qui s’absentéise, un emblème de l’isolement.

Entour-détourage-autour : voilà ce qui crée l’oeuvre
G.D.

Il : Tu es devenu un peintre "mûr". Que signifie ce terme au niveau des problèmes de la peinture. Le mur est aussi l’apparence visuelle des pavés de textes.
Je : Du mur de la construction à celui de la maturité il s’en faut, pour le moment encore, de l’épaisseur d’un circonflexe. Pour l’oreille cependant la différence est nulle... Pour le sens... Peut-être qu’après tout je me mure dans ma maturité. Ou peut-être que ma maturation de peintre "fait mur". Pour cet aspect de la question, il en va du mur comme du texte qui se désécrit dans l’écrit(ure), de la matrice qui fait pavé en se défaisant comme sens. Le mur des pavés de textes se fait de mon ouverture (peut-être la fait-il), du travail des humidités et de leur perte.
Pour le deuxième aspect de la question : le problème de ma maturité de peintre renvoie à celui des incertitudes et du confort. Je crois que la maturité tient, dans la peinture, à deux ou trois attitudes :
. Une attitude psychologique. Etre mûr c’est assumer sa pratique. C’est savoir que, somme toute, sans prétention aucune, on fait la seule chose que l’on puisse faire : c’est assumer sa pratique, et, le cas échéant, l’assumer comme erreur, en tout cas comme errance.
. Une attitude technique. La maturité c’est s’être donné les moyens techniques qui permettent d’assumer sa pratique propre (quitte à les inventer : l’histoire de l’art c’est aussi l’histoire des découvertes techniques). De ce point de vue, depuis le classique maniement du pinceau, jusqu’à la maîtrise -inédite- de l’écriture au trichlo, en passant par celle de la toile souple, des divers types de liants, des modes de pigmentation, oui, je crois que mes apprentissages propres sont achevés.
. Une attitude historique. La maturité, c’est savoir à quels courants historiques on se rattache, de quelles solidarités on est tissu dans ses rapports aux autres artistes, comme aux autres pratiques sociales. De ce point de vue-là aussi, je suis entré dans ma maturité.
C’est un autre tic de Monticelli de rappeler à ce propos l’exemple d’Okusai qui disait à 70 ans qu’il commençait à savoir peindre, alors... Banal non ?

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Mon travail est une façon d’effacer les traces au fur et à mesure de l’avance. Niveler -supprimer les alibis- les fausses raison de se croire plein de quelque chose.
Mon travail est une façon d’enterrer une existence.
G.D.

Il : Tes activités de détournements du sens concernent la peinture, le livre, l’objet. Une sorte de position de refus. Comment, et à partir de quoi se situe ce refus, comment produit-il ?
Je : Plus que d’un refus, il s’agit d’un détournement, comme le suggère la première partie de la question.
Deuxième approche : s’il s’agit d’un refus, c’est celui du statut prédéfini de la peinture, du livre, de l’objet ; c’est alors la proposition d’un statut différent et, par conséquent, par rapport à l’attendu, l’aparence d’un détournement.
La place et le rôle assignés à la peinture, à l’objet, et à ce type particulier d’objet qu’est le livre, non, ne me conviennent pas. C’est à partir du statut social, historique et culturel que je me situe. En un sens, il y a, dans mon détournement, une sorte de volonté de renversement. Je m’explique : aujourd’hui le fonctionnement de la peinture et du livre (le type de fonction et la façon dont elle est assumée) tend à les tirer vers l’objet, et l’objet, massivement, vers la marchandise, et la marchandise vers un prix de plus en plus deconnecté de la valeur, c’est à dire oublieux de la réalité du travail fourni. C’est en gros ce que l’on observe aussi bien dans la spéculation boursière et dans cet espèce de reflet spéculatif que constitue le marché de l’art, que dans la masse des objets visuels (les images) et écrits (les livres) dont la production est de plus en plus énorme au point qu’on en peut même plus poser la question de la gestion des stocks : l’invendu d’une production écrite passe systématiquement au pilon dans des délais de l’ordre du trimestre.
Si j’exprime un refus ou un détournement, ça passe aussi par là. En outre, il y a bien sûr aussi ce que je disais plus haut concernant mon refus de l’institution, de l’académisme, de la norme, du faux-semblant. Je crois que ça répondait aussi à la question de savoir comment ce refus, à mon sens, produit.

++++

Jouer sur tous les tableaux c’est contredire toutes les "vérités" de la peinture.
G.D.

Il : Ce refus fonde l’étouffement de l’être - sa mort - fonde un personnage utopique qui est peut-être Duchêne. Qui est Duchêne.
Je : Qui est Duchêne ? J’allais dire c’est moi. Quelle erreur n’est-ce pas ? J’allais dire c’est Duchêne ou c’est Durand. Tu connais cette série des Durand dans laquelle j’ai effacé des cartons d’invitation, et j’ai marqué sur chacun, au doigt, le nom de Durand. C’est ainsi que, de proche en proche, la mise en doute de l’identité, le refus de la norme, finit par affecter, évidemment, l’identité de l’artiste et ma propre identité. C’est en ce sens aussi que j’ai pris cette exposition à la galerie "Epreuve d’artiste", à Lille : Gérard Duchêne, portraitiste. C’est le refus de l’enfermement dans un genre, dans une seule technique, dans une définition, sous une étiquette... Nous parlions d’inconfort, c’est sans doute cette volonté de ne se laisser enfermer dans rien, pas même dans soi, qui est le plus riche d’inconforts.

Le travail fini est toujours un fragment donc un déchet du travail en cours
G.D.

Il : Ce suicide "prétendu", est-il réel ou simulé ? S’il est simulé il peut présenter de l’intérêt par rapport au parcours vers cette fin, qui est peut-être fin du corps formulé.
Je : Rien n’est moins suicidaire que de s’accoutumer à la mort. Rien n’est plus garant de notre dignité que de saisir au jour le jour la mort en actes dans la vie.
Vivre, ça n’est peut-être que ça : savoir se perdre. Et toute trace que nos laissons, justement parce ce que ce n’est pas simple indice, qu’il y va des jalons de notre présence, c’et cette mémoire au présent que nous savons produire, dont nous nous savons producteurs. La mort est là, dns la conscience d’une histoire, dans les jeux de la mémoire formée de notre vie d’absence, qui nous apprend à vivre l’absence et à nous vivre comme absents virtuels.
Et l’oeuvre d’art c’est, entre autres, la forme concrète que prend cette virtuelle absence. N’est-ce pas ce que je disais du "Journal d’ïl", cette conscience de l’absence qui charge nos traces de tant d’émotion, nous fait mémoire, histoire et conscients de la mort ? Il n’y a place là pour aucune simulation. Peut-être n’est-ce après tout que dans les replis oublieux de l’art que -la souffrance submergeant tout, jusqu’aux traces possibles de l’absence et de l’oubli- guette le suicide.
D’une certaine façon, mon travail sur (ou "de", ou "avec") l’écrire, cette façon à la fois de le prendre comme matière (puis-je dire première ?) et de le désigner comme transcription d’un absent alors que je signe de mon nom, et que je le propose au regard d’une effective présence, traite de préoccupations dont on retrouve l’écho, je crois, en anthropologie de l’écriture. Lorsqu’on s’interroge en effet sur ce qui a originé l’écriture on définit des types de situations ou d’activités qui ont pu nécessiter la production de ce type de traces. Il existe, bien entendu, des hypothèses commerciales et comptables ; il existe aussi l’hypothèse funéraire : des "Livres des morts" à l’épitaphe, l’écriture a bien pu trouver là l’une de ses raisons d’être, en tout cas l’un de ses ancrages. Je retiens d’autant plus cette hypothèse qu’elle permet de développer quantité de remarques, intéressantes pour moi, sur la désignation : par exemple, selon que la stèle présente une formulation à la première personne ("Je suis la stèle de...", "X m’a érigée..."), à la troisième personne ("cette stèle est celle de..."), ou demeure ambigüe sur ce point ("Voici la stèle de..."), d’abord elle peut être, de ce fait, historiquement datée, elle appartient à un moment particulier de l’histoire des textes ; ensuite, elle suppose des types de rapports différents entre celui qui écrit, celui qui lit, celui -ce- dont il est question. Ça engage encore le statut de l’objet support ou véhicule, la conscience de la langue elle-même et de l’écriture, la fonction qu’on leur assigne, la capacité à prendre plus ou moins de distances, la façon de vivre, socialement, le deuil, de penser, individuellement et collectivement, sa propre absence, sa propre mort., de jouer des présences et des absences, de l’identité et de l’identification... Tous ces rapports me paraissent à l’oeuvre dans mes propositions : OCNI et désignation effective mais proprement indécodable, Durand, portraits et, évidemment -singulièrement- "Journal d’Il", et , cette série intitulée "l’enterrement d’un jour" qui mettait en regard toiles et stèles en béton.
Que pourraient être les variations de formule sur la stèle d’Il ?

Je suis le Journal d’Il
Je suis celui qui a écrit le journal d’Il
Ce journal d’Il est la stèle de Je
Ci-gît l’absence de qui a écrit le journal d’Il
Ci-gît en son absence qui a écrit le journal d’Il
Duchêne signa cette stèle de Je qu’il intitula journal d’Il

...
Et ces préoccupations, crois-tu qu’elles soient si éloignées de la forme que nous avons décidé de donner à cet entretien ?

++++

 

L’oeuvre vit son dernier sommeil sans lanterne pour la veiller sinon la grâce du critique ou de l’écrivain qui perdure sa trace dans l’infini de son propre sommeil.
G.D.

Il : Si tu me posais une question, quelle serait-elle ?
Je : Oh ! De but en blanc, je n’en vois qu’une : comment ton écriture fonctionne-t-elle ? Sert-elle à transcrire ce que tu sais de la peinture ? Ou est-elle un moyen de chercher à en savoir plus ?

faire endossant le dire sans le satisfaire ; couleurs à coté de la couleur mélangées sans recherche d’effet ; les accidents esthétiques ne m’intéressent pas. Ma folie s’exprime dans l’incommensurable de la peinture.
G.D.

Il : Nous avions dit 12 questions. Permets-moi néanmoins une 12ème bis : ton refus de nommer n’est-il pas contradictoire avec ton activité de naturaliste ? Tu as donné des noms à des papillons...
Je : Bon, acceptons cette 2ème douzième. J’avais bien vu que ce hobby t’avait arrêté.
C’est vrai. Je m’intéresse à une espèce particulière de papillons et j’ai fait quelques communications à la société des sciences naturelles distinguant dans l’espèce, en fonction de traits morphologiques, des sous-espèces, auxquelles j’ai donné des noms.
On ne trouve cette espèce de papillons que dans une aire géographique réduite, en amérique centrale, région où, évidemment, je n’ai jamais mis les pieds.
Cette activité est assez importante à mes yeux, mais je ne fais pas de rapport immédiat avec la peinture. Oui... Pourquoi pas... J’épinglerais des mots en les figeant sur la plaque... Bon... Pourtant il est vrai que la classification reprend cette vieille fonction dont Dieu, dans la Génèse, charge l’homme : nommer les animaux. C’est ainsi, dit Monticelli, que se complète mon rapport critique à l’identité et à l’identification :
. Je brouille la désignation de ce qui a un nom... OCNI
. Je donne un même nom à ceux qui ont des noms différents et chez qui le nom équivaut à signature ou label : les Durand. De cette façon, ajoute-t-il, je réécris le début du passage de Babel : "Tous les hommes se servaient de la même langue et du même mot"
. Je désigne par il celui qui aurait pu être dit je
. inutile de développer tout ce qu’ai pu dire du texte, de l’écriture et de l’écrire.
Il fallait ajouter à cette crise de l’identité le fait de découvrir ce qui n’a pas de nom... et de lui en donner un.

++++

L’art c’est la mort de lettre.
L’être à partir duquel on transmet la mort
La mort du présent pour une présence de l’éternité
Une éternité de l’absence de l’oeuvre
au profit de la présence du peintre
qui
trouerait dans ce présent éternel que lui confère ce refuge dans l’histoire.
G.D.
 
Messieurs les bougnats de l’art, je suis désolé du "professionalisme" existant dans le "circuit obligé" pour parvenir à toucher votre esprit "averti" passe par vos grenier avant d’atteindre votre salon.
Je vous emmerde.
G.D. 1er août 1989

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