Sixième salut : Comme une trace des viscères du dedans
Il n’y a pas de plus foncière certitude que l’arpentage, cet ancrage premier à la terre. C’est bien de l’arpentage que les bâtisseurs de pyramides ont tiré à la fois l’architecture et la géométrie, et, partant, toutes nos entreprises de calcul.
Il est pourtant bien des mensonges de la terre, et le premier de tous est son apparente immobilité sur quoi nous construisons nos certitudes. Son rythme a beau être plus lent que le nôtre, nous avons fini par la savoir sujette aux affaissements, aux effondrements, aux glissements, aux remodelages, aux érosions, elle est en outre le principe de tous les pourrissements.
L’arpenteur est incapable de la retenir : ses balises, ses jalons, ses équerres sont de pauvres instruments pour l’enchaîner. Seul, peut-être, celui qui cueille en elle la couleur changeante de ses sables ou celle, éphémère, de ses plantes, a-t-il, dans son incertaine humilité, quelque chance d’accorder à ses mouvements capricieux son âme d’équilibriste.