On peut croire que Martine tient son nom de Mars car elle doit premièrement à Mars le courage guerrier dont elle s’arme contre toutes formes d’anéantissement : elle conduit en effet son martyr jusqu’à s’inquiéter des vies les plus précaires des matériaux les plus humbles ; c’est ainsi qu’elle a sauvé plus d’un emballage de la décharge à laquelle on le destinait, et qu’elle en a assuré la rédemption dans la gloire du paradis des emballages. Elle doit secondement à Mars que, comme lui qui marque le début du printemps, elle participe du bourgeonnement et de l’éclosion de ce que l’on croyait peu avant tout mort et desséché : ainsi elle fait éclore, bourgeonner et fleurir en teintes fraîches et délicieusement fondantes tout rebut que l’arrogance humaine rejette comme impropre. Par la grâce de N.S. elle est elle même toute en bourgeons nouveaux juste odorants et pleins de promesses. Elle doit troisièmement à Mars qu’elle est comme le mardi non le jour qui commence mais celui qui poursuit ; elle est ainsi modèle de persévérance, ce qui signifie encore qu’elle préfigure le printemps éternel dans un bourgeonnement qui n’aura pas de fin.
On peut aussi dire que Martine participe de l’air et de l’eau. Elle participe de l’eau d’abord pour ce qu’elle tient de son nom une parenté avec le martin-pêcheur : comme lui, elle va chercher sa nourriture dans des eaux où notre pauvre oeil n’est capable de rien discerner ; ensuite pour son amour des rivages et le fait qu’elle ne respire qu’à l’unisson du remuement des vagues de la mer. Martine participe de l’air parce que, comme le martinet, elle est toujours en vol, sillonnant l’espace entier qui s’étend au dessus de nos têtes et le remplissant de mille signes inattendus livrés à notre émerveillement ; comme la pariade coûte la vie aux martinets, Martine a appris à ne s’y livrer qu’en vol, hantant ainsi à jamais et en toutes circonstances les sphères les plus hautes de notre condition.
Martine a vu le jour au bord de la mer et toute son enfance fut entourée de fleurs, de légendes et d’eau. Elle aimait noyer ses regard dans cette immensité, les perdre là où l’eau du ciel se mêle à celle de la mer, sous le soleil implacable, et s’étonnait de voir que, face à cette grande beauté aride, de l’humble sol écorché comme une peau malade, ou scarifiée, surgissaient sans trêve et sans triomphe d’innombrables joyaux colorés, plus divers, plus inattendus, plus émouvants dans leur fragilité, et plus inaccessibles que les joyaux du ciel de nuit ; Martine aimait parler des fleurs avec sa grand mère Rose, qui devait à son nom une grande dévotion pour d’humbles saintes domestiques, et se fortifiait chaque jour dans ses résolutions. Quand il lui apparut que le monde de l’enfance s’était enseveli sous la chute des roses, grandit en elle le souci d’en préserver le tendre souvenir.