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COVILLE Jacky, Paroles du guet

Publication en ligne : 22 décembre 2008
Première publication : juillet 2006 / catalogue d’exposition

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Artiste(s) : Coville

Pour Jacky COVILLE

Guetteurs postés en bordure de notre monde
Disposés tout le long des frontières de notre monde
Sentinelles vêtues d’écumes et de terres
de fleurs et de feuilles
de pierre et de métal
vous avez connu de la terre la dureté l’odeur l’onctuosité quand elle se mêle à l’eau
la viscosité
vous avez essuyé la force et la charge du feu
Et vous voici pleins d’images et de légendes
Guetteurs des bords du monde
Faites venir jusqu’à nous les paroles du guet…

*


Les rêves du Guetteur de feuilles

Je dis un temps où le pays de Canaan n’avait pas encore revêtu la pourpre
Un temps d’avant la promesse sous un ciel d’arbre peuplé de vent au rire calme
Je dis le temps des profusions
émeraude olive menthe basilic
de basaltes ternis de cuivres
de mers que le vent remue du dedans et d’en dessous
de ciels filtrés par les brumes dans le lointain et l’au delà du bleu
de la montée du sang de Terre le long des échelles de l’air


Ce qu’attend le Guetteur de lune
Je me tiens au bord des silences la bouche avale l’ombre s’efface c’est entre nuit et nuit la zone des halos celle des plaintes et encore celle des vibrations au seuil de demain la paix des rites de la nuit celle des battements d’ailes
Je glisse mes regards dans l’arc tremblant l’espace se courbe s’inverse l’œil recueille les flots qui basculent en prend forme
au bord des silences
la bouche avale l’ombre

Imploration du Guetteur des tempêtes

Voix du vent et de l’eau réunis
voix de l’espace mouvant
voix qui basculez la terre
vous nous venez de si loin
vous nous apportez de si loin ce goût de sel et cette odeur de nuit mouillée
cette fumée d’ombre tourbillonnante
que nous en avons perdu l’origine
Peut-être ne l’avons-nous jamais sue
Peut-être l’avons nous vécue sans la connaître
Sans la savoir

Tempêtes et tourments
Soyez magnanimes
Ne nous harcelez pas


Vers l’extase du Guetteur d’extases
Je bats contre mes tempes l’amadou des vieux pièges à feu les temps désaccordés sont proches les fils qui retenaient près du sol sous les voûtes ma carcasse calcaire et mon enveloppe d’eau se sont rompus et me voici flottant à la base du ciel dans des contrées musicales aux abords de la voix




Les craintes du guetteur de rêves

Vous croyez que c’est la paix la calme paix des nuits
Craignez la voix des incubes et des succubes ils chevauchent notre propre souffle le peuplant du déferlement tordu et trouble de leurs grimaces machoires ouvertes muscles tendus visages rougis peau éclatée leurs paupières s’effritent ils rapprochent leurs crânes vers la terre humide et tournent leurs culs vers l’œil fondu de la lune noire
Vous croyez que c’est la paix des sommeils et c’est la remontée bruyante de l’armée des douleurs


Les pleurs du Guetteur de paix

Je veux vous dire la violence des douleurs et comment vivre des douleurs en ne connaissant qu’elles et d’elles vibrant et comment apprivoiser les douleurs en ne faisant qu’un avec elles en les arrachant et en les rendant au monde qui nous les a données en ce long cri pénétrant continu qui est l’autre matrice du chant.


Les lamentations du Guetteur d’avenir
Ordonnez-moi donc de cesser de fouiller le monde qui vient : ce qui m’apparaît n’est que ruine et deuil
Dites-moi d’obscurcir mes regards
Permettez-moi de fermer les yeux sur tout ce qui s’annonce

Tendresses du Guetteur d’aurores
Dans le pli entre nuit et aube la pensée de l’aurore est toujours tendre
Elle sait parer les voiles du ciel de toutes les séductions du renouveau
Elle sait faire vibrer l’espoir dans le lointain des brumes
dans des fraîcheurs de naissances
Et le vacarme des piaillements

La leçon du Guetteur de nuages aux enfants

Enfants vous ne savez pas la science des nuages
Leur alliance avec l’eau le soleil le vent
Avec tout ce qui se meut sur la terre dans le ciel
Comme dans le secret de chacun de nous
Vous ne savez pas encore leur mobilité
leur plasticité
Leur capacité à épouser les instabilités de l’air
Leur solitude
Et leur fugacité
Apprenez à scruter le ciel pour saisir ce moment secret de leur formation
Apprenez d’eux la sagesse des formes
celle des légendess
Et la subtilité de la danse
apprenez enfants des nuages les grands rires des mains des bras et des corps


Prière du Guetteur de Vie
Frères Animaux, apprenez nous la simple force, la sainteté des odeurs musquées, mâles et femelles, le paradis des foudres, la pureté des boues purifiantes, leur force lente sous la main, la densité créatrice des glaires ; apprenez nous la force du sexe, Animaux porteurs de vie ; c’est dans les râles de l’amour que se forge ce rythme la matrice première du chant


Ce que le Guetteur de l’âme du feu dit pour pacifier l’en marche des bêtes

Aimez le feu, Animaux porteurs du souffle, approchez le malgré vos craintes : il fera remonter du plus caché de vous mêmes des lumières inconnues ; il exhumera des récits de sagesse dans des langues que vous savez ; il saura éveiller en vous ces souvenirs très anciens d’avant la naissance des bêtes et des mondes, cette chaleur de grotte initiale dans le creux des œufs, des ventres, des soleils, des matrices des mondes.


Ce que dit le Guetteur de l’amour de Terre à ses frères animaux

Vous avez su aimer la terre, Bêtes de partout, Animaux en charge d’âme, frères et sœurs de nos rêves, pères et mères de nos rêves, vous qui aimez la terre, apprenez nous votre soumission, votre faiblesse, cette humilité qui vous fait vous terrer, cette patience qui vous donne le pouvoir de vous unir avec le grand corps de la terre, de ne faire qu’un avec elle, cette confiance qui fait de votre souffle le souffle même de la terre ; Animaux nés comme nous de la terre apprenez nous à l’aimer .

*


Vociférations du regard

Que je sorte des abris des bois des grottes pour partir vers le grand ciel cracher ma douleur et ma colère
Je veux me pousser hors d’elles
Je veux naître d’elles
Me faire
par elles
cri
hurlement couvrant la terre
crevant l’harmonie délicate des nuages
troublant l’éternité de silence accumulée dans cet espace où se balancent les astres
hurler
jusqu’à retourner en moi-même les minuscules et fragiles avéoles de mes poumons 

Je ne veux avoir de voix que pour ce qui me frappe

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