Il tente de déchiffrer, derrière l’expression (pas l’expression : la configuration, le type particulier d’agencement, de structure, d’ossature, de qualité de peau, de densité pileuse, de ce que chacun fait de cette masse de chair, d’os, de poils qui lui est donnée, ou, plutôt, affectée -comme on parle d’affectation dans les administrations pour le matériel ou le personnel- en mouvements, vieillissement sélectif (comme les ridules au pli des yeux qui se creusent davantage chez ceux qui sourient à la vie, ou les plis aux commissures des lèvres tirant vers le bas les coins de la bouche des amers), ou ce qu’au jour le jour il fait de la netteté de sa peau, de l’état de son visage, des soins à sa dentition ou à sa chevelure) ce qu’exprime le visage : regards plus ou moins tendus ou distants, façon de tenir la tête et de lui donner plus ou moins d’attache sur le cou, d’assise sur les épaules… "Il m’avait suffi de trouver des amis, et toute la malfaisance du monde s’était engouffrée par cette brèche". "L’éclat pauvre des pailles... L’éclat..." La phrase revenait souvent à l’esprit de Josué roulant avec elle en lui des images de consolation et d’apaisement. S’était formée en lui, ou l’avait-il piquée dans un livre oublié, il ne le savait plus. Elle surgissait et il la laissait se répéter. Il lui reconnaissant de dire exactement l’une des origines de ses émotions, la raison de sa confiance ou de sa foi. Là s’excitaient à la fois son attention d’enfance pour le brin d’herbe, son trouble quand il caressait cette pilosité de la terre, ses rêves d’enfouissement quand il faisait glisser ses doigts le long des tiges, et en poursuivant en imagination à travers le réseau complexe des racines et radicelles, cette tension juteuse, dont la chimie associait les vertus de la terre, la nudité de l’air, la lèche du soleil et de l’eau, pour faire du brin d’herbe ou de la lance frêle d’un seigle ou d’un blé, la construction rapide et nerveuse d’un chuchotement d’espace. Fanée, la paille perd la chimie du soleil, de l’eau et de la terre, pour ne garder, de sa verte origine, qu’un fantôme de forme. Ainsi le mot du muscle de la langue, salive, sang, air : qu’il soit remâché ; il retrouve ses saveurs. Éclat né du frottement entre ce qui fut et ce qui sera. Fascinations du fané ? Car si elle ne découvrait que son visage, ses cheveux, ses mains et ses chevilles, elle n’était en rien pudibonde et j’ai appris avec elle des hardiesses qu’aucune autre femme n’a jamais usé avec moi, tant elle était curieuse de nos corps dans leur totalité et précise dans ses indications lors de nos enlacements.