C’est vrai qu’Alfred a beaucoup voyagé, dit-il au capitaine. Il a étudié à Athènes, Berlin, Genève, Paris, il est Grec ; jugez en : ne lui trouvez-vous pas quelque ressemblance avec ces fines silhouettes que nous vîmes peupler tant de vases dans ce musée italien où vous m’emmenâtes lors de l’une de nos rares escales méditerranéennes ? Il en semble parfois tout droit sorti, bondissant avec une agilité raide et superbe, le port de tête haut, l’œil aigu, la barbe insolente, le torse ample et le ventre plat, si bien que je pensai à ces figures dès l’instant où je le vis, et l’idée m’est venue que ces vases pourraient bien être d’anciens miroirs au tain particulier capable de saisir en un clin d’œil la grâce qui passe ; cela ne m’étonnerait pas de ces rives où toutes chose se dédouble de la pointe d’une île à celle de la terre, de la couleur du ciel à celle de la mer, des reflets bleu-gris des feuilles d’oliviers à l’air quand se prépare l’orage... Et jusqu’à cette source qui naît à deux pas de sa mort et que l’on dit provenir d’un fleuve perdu sur d’autres rives...
Mais que me chantez-vous là, maître Björg ? S’écria le capitaine...
Je savais bien qu’Alfred était Grec, mais ne voulus pas intevenir. Surpris seulement d’apprendre qu’il était né au Pirée... J’aurais plutôt dit Zanthe. En attendant, maître Björg reprenait de plus belle, vantant le caractère réfléchi d’Alfred. Ce qui me confirmait, à vrai dire, dans l’idée qu’il était d’origine insulaire