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RAPHAËL MONTICELLI

Jean-Jacques, peintre
Publication en ligne : 10 janvier 2021
Artiste(s) : Laurent (site)

Ce texte date de 1998. Il figure dans un opuscule sur Jean Jacques Laurent publié par l’association stArt à l’occasion d’une exposition personnelle de l’artiste à l’atelier d’art contemporain des musées de Nice. Jean Jacques Laurent avait intitulé son exposition "Ironie d’un sort".


vers Ponctuations

Première approche

Peindre : s’introduire dans la famille de l’art

Pour Jean-Jacques Laurent, la peinture a d’abord été affaire de famille. Voilà qui doit bien, en partie au moins, s’expliquer par le fait qu’il est issu de potiers et d’artistes, qu’il a vécu dans la petite ville de Vallauris, à deux pas de Cannes et de Nice, qu’il a y a côtoyé tous les mythes de l’art moderne qui venaient achever là, dans ces parages-là, leur longue et éblouissante route et dont la présence hante encore tous les espaces du sud. Que d’ombres immenses pèsent encore ici, vous attendent sur le pas des portes, infiltrées dans les ruelles, toujours attentives devant les tours de potiers, impatientes, devant les fours à céramique, d’être surprises, une fois encore, par ce que le feu a pu faire d’un pigment ou d’un émail….Quand on déambule dans les rues de Vallauris avec Jean-Jacques, on voit littéralement se lever du sol qui les a accueillies les figures communes, banales, terriblement humaines et lourdes, de Jacques Prévert ou Pablo Picasso…
L’art est alors famille : donnée immédiate et indiscutable ; un monde tout d’un bloc, sans concession, sans ouverture, sans changement, à prendre ou à laisser, tel quel. Une effroyable éternité, en somme, gardée par des ombres écrasantes, divinités étrangement familières : immensément présentes, occupant tout l’espace, aveuglant l’horizon et cherchant à nous garder sous leur tutelle, admiratifs et muets. En échange, on reçoit l’espoir de savoir ce que seuls les dieux savent et la grâce de faire, avec notre pauvre corps, un peu de ce qu’ils ont su faire.

Pour Jean-Jacques, l’art est ainsi d’abord famille avec laquelle on entretient des rapports secrets, intimes, jalousement et douloureusement intimes : on en vibre, incompréhensiblement, au point d’en être agacé, de chercher à faire cesser cette tension dont on se dit, qu’en fait, on ne l’a pas voulue, qu’elle disparaisse, qu’elle cesse de gâcher la clarté du monde ; sans elle, la vie serait plus simple, plus immédiatement vivable ; plus tranquillement vivable…

On est déchiré : parce que, finalement, ça s’installe au creux de nous-mêmes, ça se niche dans des zones de faille ou de manque, et ça se niche pourtant sans les combler, en les élargissant, au contraire, en avivant leur sensibilité, comme ces caresses dont la douceur même ravive sur d’anciennes plaies, la sensibilité de la peau, plus fine là qu’ailleurs, sans cesse comme prête à s’ouvrir à nouveau. On sait aussi pourtant qu’on peut en s’enfonçant et en se calfeutrant dans cette intimité, construire le début de toute jouissance. L’art est famille : Jean-Jacques s’y est trouvé plongé. Et vous savez bien comment : vous connaissez cette passion, cet amour douloureux si fort qu’il se sent parfois plus fort que le retour qu’il reçoit, qui fait qu’on en arrive à rejeter avec le plus de violence ceux que l’on aime le plus et dont on sait bien, avec rage, que ce sont ceux dont on a le plus besoin et que, dans le même mouvement, avec la même rage, on se rapproche d’eux, on cherche à supprimer cette frontière de la peau, pour se fondre, ne faire qu’un.
Au prix de la perte et de la douleur. Et on sait que quand on parvient, un peu, au bout de la perte, à ces instants de fusion, toute douleur s’efface, quelque chose s’étend sur le monde et l’allège : la paix…

La peinture a bien été ainsi, pour Jean-Jacques, pendant longtemps une affaire de famille ; c’est entre soi, on le sait bien, qu’on lave ses affaires, dans une famille : les affaires du monde y trouvent peu d’échos. Mais il suffit, en somme, d’un tout petit recul, d’une toute petite distance, pour se rendre compte que les affaires qu’on lave sont celles de n’importe qui, de tout un chacun, et que le monde traverse la famille qui le traverse.

++++

Deuxième approche
Peindre : construire une familiarité avec l’art

Au fur et à mesure du temps, (on voit quand on parcourt l’œuvre de Jean-Jacques Laurent, d’une année à l’autre, d’une série à l’autre, d’une pièce à l’autre) l’affaire de famille a rencontré l’histoire….Celle des autres, celle de l’art et du monde… Et c’est alors l’histoire qui s’est chargée de toutes les vertus, des qualités, et de la densité de la famille ; et les objets de la peinture qui ont pris des figures familières…

De cette familiarité Jean-Jacques a tiré plus de violence que de douceur dans ses rapports avec l’art : il peint comme on lutte, avec brutalité, en prenant volontiers les matières et outils à contresens, en explorant des supports de récupération, en cherchant à inscrire ses traces moins dans un tête-à-tête avec les grandes références de l’histoire de l’art que dans une conversation avec toutes les vies qui se déposent dans nos déchets.

Voilà peut-être pourquoi la peinture, la trace, la ligne, la toile sont autant de matières qui, chez Jean-Jacques, retrouvent leur maternelle étymologie. Les choses de l’art sont femmes, elles sont mères, épouses, filles, on les aime et on s’y adonne avec passion et aveuglement. Il y a ainsi quelque chose de physique, de charnel, de brutal ou tout simplement de brut, dans la façon dont Jean-Jacques entreprend la peinture.

Disons qu’il y a bien ici quelque chose qui a à voir avec l’art brut. En tous cas, Jean-Jacques aimerait que la peinture soit la pure trace d’une relation immédiate au monde. On emploierait les objets et les outils, on laisserait des traces, mais ce serait pure pulsion, nécessaire, spontané et naturel ; ça aurait la même aérienne nécessité que celle d’un chant d’oiseau ou d’un bruissement de sources, la même indiscutable composition qu’un soleil qui, se couche, ou un éclat de lumière, entre deux rameaux, à travers une toile d’araignée….Ce serait ainsi parce que ça doit être et il n’y aurait rien à en dire. Ce serait… Mais nous savons aussi (nous le savons bien " aussi " c’est-à-dire en même temps que nous rêvons l’impossible spontanéité première de l’art) que l’on s’aveugle quand on croit faire spontanément ce que l’on fait. Et Jean-Jacques plus que quiconque le sait aussi. Il sait que le peintre s’aveugle quand il croit que le pinceau s’accroche à lui comme une branche et une fleur nés de son bras et de sa main, que ce qu’il fait avec le pinceau est naturel, comme un incompréhensible et hasardeux donné, posé là par quelque grâce qui nous dépasse, tellement entouré de mystère que l’on ne peut ni ne doit s’interroger sur lui, sur sa pauvre et terrible matérialité, sur son lourd, banal et trivial statut d’outil…Or il est tout sauf naturel, cet humble objet : il est né de la nudité des hommes, et c’est à lui que les hommes doivent tous leurs rêves de lumière, toutes les illuminations….

++++

Troisième approche
Peindre : retenir les leçons du monde

Très tôt, Jean-Jacques a utilisé des supports de récupération, cartons, châssis, sacs de toile…Il l’a fait en sachant que s’affirme ainsi que le support a déjà vécu, déjà vieilli, et les traces qu’il porte supposent de l’histoire ; ils sont chargés, bien que c’est vrai de n’importe quelle toile, bien sûr…
Mais c’est tellement plus évident dans ces vieux draps, ces vieux sacs, ces jutes fatiguées, ces cotons assouplis par le temps… Jean-Jacques a ainsi inscrit sa pratique de la peinture dans l’une des grandes leçons de l’art moderne et contemporain qui intègre dans l’art les objets délaissés du monde, parce qu’il ne saisit pas le support comme une donnée immédiate de l’art, mais comme un espace constitué, déjà chargé de sens avant même que l’artiste intervienne…
Lorsque Jean-Jacques s’installe dans un espace, sur un support, il sait qu’il n’est pas sur un terrain vierge, que d’autres ici ont inscrit leur trace, et ce qu’il entend faire c’est mêler ses traces aux leurs, respecter leur voix pour y tisser la sienne.
Quelle que soit la technique de l’intervention plastique, variable selon son type, son format, sa matière, le support est d’abord un lieu dont il faut sauvegarder et utiliser les inscriptions préalables.
Il faut dire deux mots ici d’une autre leçon que Jean-Jacques retient de l’art contemporain : les pièces sont travaillées le plus souvent à plat. Ce glissement de la verticale à l’horizontale (dont on sait avec quel génie il a été exploré par Jackson Pollock) implique, on le sait bien, une transformation complète de la posture du peintre et par conséquent du rapport du corps à l’espace à peindre et des traces que le corps peignant va pouvoir inscrire dans cet espace. Sans entrer dans trop de technique, on comprend bien que la main tenant le pinceau face à la toile verticale n’obéit pas aux mêmes règles, est tendue autrement, implique une autre volonté, que si elle se trouve au-dessus de la toile posée horizontalement. Et dès lors que la toile adopte des dimensions plus importantes et qu’elle doit reposer à même le sol, tout le travail va se trouver transformé du fait que le peintre doit pénétrer physiquement sur la surface de la toile, dans le périmètre de ce que l’on appelait " le tableau ", et qu’il a à faire non plus à la traditionnelle métaphore du mur sur lequel il va ouvrir -illusoirement- un tableau, mais à une adhésion physique à la terre et au sol, ce qui va permettre de développer des rêves tout à fait différents et ouvrir des champs symboliques inédits aux espaces particuliers de l’art…

Très pratiquement… Que l’on imagine une toile, ce drap usagé dont je parlais plus haut, occupant, dans l’atelier, une surface si grande qu’on ne saurait la marquer dans son entier sans marcher dessus, se chargeant, avec le temps, des traces des déplacements du peintre, comme des remontées - réelles ou supposées- de la terre sur laquelle elle est posée… Qu’on imagine l’artiste, considérant la toile, l’atelier, la terre, et comme les ruminant, les remuant en lui-même et comme les interrogeant, et en tirant forme et sens (un peu comme on parle de tirer les cartes), intervenant lentement, et enfin soulignant du geste les formes dictées par les forces présentes, là, sur la toile et sous le regard… La toile au sol multiplie les pérégrinations du regard, les rêveries de la pensée, les errances du bras…

L’œuvre de Jean-Jacques Laurent épouse les accidents du monde, elle prend forme en respectant les pauvres formes qui marquent les espaces qu’il investit, elle naît - ou peu à peu se lève, comme on dit d’une brume - d’une confrontation lente, longue, méditative et ruminante entre le peintre et les supports, les traces, les taches, les matières, les colorants. La toile ou le papier sont des morceaux du monde ; l’artiste qui s’y tient (car il s’y tient, ou s’y campe, comme on le fait sur un territoire qu’on découvre, qu’on va explorer, qu’on va faire sien, transformer) les lit, les interprète, leur donne sens. Dans cet espace viennent s’inscrire les marques du travail de l’artiste ; et c’est d’abord toute la richesse des matières, sable, pigments, papiers, tissus… Voici une troisième leçon de l’art moderne et contemporain : longtemps la peinture a délégué aux pigments le soin de représenter le monde en diversifiant la coloration des surfaces et en élaborant des formes représentatives. D’une certaine façon, les formes, disant le monde, faisaient oublier que les pigments, avant de le représenter, le figurer, ou le symboliser, sont des bribes du monde. De même la toile, le bois du châssis, les liants, les siccatifs, les vernis, les outils, pinceaux, brosses ou éponges. De même les fusains, sanguines, mines de plomb. Morceaux du monde voués à disparaître, à se fondre. De même le corps peignant. L’art figurant les corps, faisait disparaître, dans l’illusion de la figure artistiquement représentée, le corps en action, le corps au travail, celui de l’artiste…
Lorsque Jean-Jacques utilise des papiers, des morceaux de sacs, des sables, il ne se limite pas à introduire des objets sur une toile , il dit que ces morceaux du monde sont les couleurs et les formes du monde, qui, par leur seule présence, donnent forme et couleur à la toile, suggestion et vigueur au rêve, motif et mouvement au bras et à la main.

Je disais que l’art contemporain engage un autre rapport du corps à la toile. De même, le corps s’y marque autrement. La présence du corps dans l’œuvre ne se limite plus à sa représentation. Il est banal de rappeler que toute trace sur une toile suppose un corps agissant… Nos peintres ont multiplié les formes de cette présence non représentative du corps : traces des gestes, des mouvements, des déplacements, des retours, de la diversité des implications du corps sur un espace, de l’empreinte au coup, à la caresse ou à la brisure.

Jean-Jacques s’inscrit dans cette recherche, et lui aussi a exploré la diversité des traces qu’un corps agissant peut déposer sur une toile, et il a travaillé aussi sur ces superpositions qui sont autant de marques d’une présence discontinue du corps agissant sur la toile… Mais il me semble que ce qui fait la particularité, et peut-être l’originalité de Jean-Jacques, c’est la présence de ces figures anthropomorphiques dans ses toiles. Elles structurent depuis des années toutes ses compositions, leur donnent une unité, et comme… un air de famille.

On les voit peu à peu apparaître dans le travail de Jean-Jacques Laurent depuis la fin des années soixante-dix, et peu à peu s’assumer : comme brouillées dans les premières œuvres, elles prennent ensuite de plus en plus de place, incertaines et fragiles pourtant, tenues, très matériellement, à bout de bras, c’est-à-dire produites par la seule errance de la main et du bras au-dessus de la toile, et pourtant définitivement et énigmatiquement présentes. Je les aime, ces presque inquiétantes figures, d’abord parce que je vois bien qu’elles sont nées de cette hésitation de la main au-dessus de la toile. Et ce n’est pas le pinceau qui les produit, mais la poire : le pigment n’est pas déposé, l’outil ne touche pas le support : elles naissent d’un jet, forcément malhabile, souvenir d’un dripping réduit au minimum. En même temps, je ne puis m’empêcher de penser qu’il y a là comme la marque d’une audacieuse retenue ou d’une timidité trouble : l’acte impudique du jet associé à la pudeur de peindre de loin ; caresse ambiguë, à distance ou détournée, où l’on s’interdit de toucher de la main cette peau étalée sur le sol… et que l’on piétine pourtant. J’aime enfin les voir naître, ces figures, des accidents de la toile, des suggestions des papiers ou des traces, des superpositions, des déchirures, des salissures, des humidités, des moisissures, elles sont l’anthropomorphique aspect que revêt notre rapport premier au monde, aux formes que nous propose le monde…. Le peintre révèle, en les cernant, ces ombres tutélaires qui se lèvent du sol, personnages aux allures vaguement féminines et qui, sans doute, sont moins des images de femmes que celle de la peinture…

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