MICHAËL GLÜCK
vers la première série : Cordes tendues le long des murs
vers la troisième série : de Saint Priest à Montpellier ►
jusqu’où dépouiller le poème
jusqu’où l’arracher
au poétique
le vers n’est rien
sinon
squelette pour le souffle
flûte mortuaire
jubilation de la danse
gravitation
rien que
gravitation
la légère-
té
de la gravitation
et s’il le faut
briser le mot
Cadenet, le 26/11/02
++++
les rideaux bâillent vers la lumière
du jour d’où la pluie
s’est retirée
une pie passe sur ses pattes
l’arbre s’ébroue dans la flaque
le lointain aboie
le proche retrouve
quelques chants d’oiseaux
sur la table
le cœur régulier du réveil
maison vide
la vocation du moindre bruit
Cadenet, le 26/11/02
++++
la pluie est indifférente
aux mots qui la nomment
elle est sans souci
ni généreuse ni avare
la pluie est sans adjectif
ainsi la terre
l’arbre et le vent
ce qui est n’est pas
atteint par la langue
le lexique du monde
ne touche pas le monde
les mots sont dans la bouche
pour d’autres pluies
Cadenet, le 26/11/02
++++
ce que je n’écris pas est
sans moi
le peu que je dis est
je suis ce peu
je suis ce peu de mots
dans la durée de ce peu de mots
je ne suis déjà plus
tu es
Lecteur
dans la durée de ce peu de mots
sur tes lèvres
dans tes yeux
ce peu de mots d’un absent
sont ta présence
dans le temps où tu lis
Cadenet, le 26/11/02
++++
chose regardant chose
je ne vois jamais
le fond de mes yeux
aucune image
au fond de mes yeux
d’une abeille
la structure de l’œil
ne dit rien du lieu
où l’image compose
le monde nécessaire
où la ruche
aucune image non plus
au fond des yeux de la taupe
qui regarde tomber la nuit
Cadenet, le 26/11/02
++++
ni abeille ni taupe
ni cheval foudroyé
im Thüringenwald
ni lézard à l’affût
ni pie grège becquetant une charogne
ni nuée d’argus fouaillant
l’œil éclaté d’un crapaud
je ne suis pas ce que je vois
je ne vois pas ce que je suis
dans l’œil du chat
ni dans les yeux de l’amante
Cadenet, le 26/11/02
++++
ciel abeauci
le cyprès
s’égoutte
la lumière
taille les angles de la chambre
je nomme
ce qui s’efface
en m’effaçant
je ne suis
que ce peu de salive
qui tombe dans la main
Cadenet, le 26/11/02
++++
j’écris
un avion traverse le ciel
je ne le vois pas
j’entends
ce bruit-là et
j’écris
un avion traverse le ciel
tu lis
tu n’entends pas
tu vois cela
un avion traverse le ciel
tu ne lèves pas la tête
Cadenet, le 26/11/02
++++
esc F1 F2 F3 etc
sleep wake up power
impr écran syst
arrêt défil
pause attn
tab shift
veer num
fin inser suppr
alt alt gr
clavier
où les clavicules de l’ange
qui saisit les mots
dans le râle de la langue
sleep wake up power
de la démocratie en Amérique
power
towers
Cadenet, le 26/11/02
++++
ne
restera
rien
de ce
vertige écrire
une phrase à sa perte
bientôt
les
mots
rejoindront l’étincelle
d’une
allumette dans la nuit
il
n’y aura
plus même
une bouche
pour énoncer
Cadenet, le 26/11/02
++++
une seconde encore
pour tutoyer qui j’aime
l’eau inonde les vignes
la terre
boit
les doigts noués
plus que la voix
caressent l’absence
le monde est sans objet
j’ai froid
Cadenet, le 26/11/02