Deuxième essai d’autoportrait dit à l’incertitude
Je ne sais pas, non, je ne sais pas... Est-ce par ignorance ou incertitude, ou inquiétude ? Non... Je ne sais pas... En tout cas, l’impression que rien ne peut entrer dans mon crâne, rien ne peut façonner mon visage et donner à mes mains leurs gestes tremblants et reprendre à ma peau son inconscience et sa jeunesse, rien ne peut pétrir mon regard, donner à mes yeux leur couleur et leur éclat qui ne soit finalement sans importance, en tout cas sans importance. Puis-je pourtant ne pas savoir ? Je parle. J’enseigne... J’ai tenu, plus à moi-même, il est vrai, qu’aux autres, de si persuasifs discours ! Est-il possible que je ne sache rien ? Que je sois vraiment si ignorant ? Je lis... J’ai lu. Je possède des livres. Des pages écrites. Et j’en connais -crois en connaître- le contenu. Assez, en tout cas pour en parler. J’ai vu des oeuvres faites, d’autres en train de se faire. J’ai pris plaisir à voir et à voir faire. Si souvent je n’ai pas su... Si souvent, j’ai su mon impuissance, qu’il n’est pas possible que je ne sache rien. Mais si peu. Balbutiements de savoir, bribes informes ou éparpillées, effilochées, lambeaux de savoir, haillons de connaissances, comme qui ne maîtrise pas les fleuves, ou plutôt comme qui ne participe pas à la maîtrise des fleuves et ne se sert des ponts que pour se protéger de la pluie et -de façon si illusoire- du vent... Oui, je sais, comme un mendiant peut dire qu’il est vêtu moins pour le plaisir de la peau et de la promenade que pour ne pas être accusé d’attentat à la pudeur... Est-ce ignorance que de ne savoir que la survie, savoir pour manger chaque jour, savoir pour attendre le jour sans l’angoisse trop forte de la mort, savoir pour tenir boutique de savoir, comme d’autres n’ont des muscles que pour vendre leur force... Et si je parle, c’est incertain de ce que je vais dire, c’est incertain de ce que je dis, ce que j’ai dit, incertain non sur le savoir lui-même, mais sur la nécessité de parler, à ce moment-là, de cette façon là, de cette chose-là...