RAPHAEL MONTICELLI
ONZE
Sous les cercles enchevêtré
Ils sont venus de toutes parts
Les anciens compagnons d’armes
Il y avait à conquérir
Tant de terres endeuillées
Ils sont venus tenant aux dents
La chair défaite des envies
(fais toi terre le temps dure la trace [ ]
sang s’écoule et poisse s’[ ] sourd [ ]
garde serrée ta prise de dents
ailes mes yeux ouverts ma vie armes [ ]
flèches regards lances le sang s’y glisse
je tue ce qui me tue ma tête tape
charogne abattue meurs charognarde air troué de part en part de moi
femmes en guerre dans l’ardeur des luttes tu sens la chaleur fondre et fuir
les ailes lèvent l’ombre creusée
glisse et fuit pisse fond poisse pousse giffle entre nuit et clarté
le sang les corps s’y traînent rôde charognarde
et gicle le sang sous la pompe hésitante
la fin le temps tarde je crie
mon souffle tord antique voix [ ] la fin bruissante)
Il faut dire à Madame les grâces rituelles et leur complexité têtue c’est ce que Madame attend elle a su s’enfouir dans la bouche du temps pour devenir mère de ses mères et fille de ses plus lointains descendants
Le travail d’une artiste s’est enfanté en vous en vous il fait se lever des nuées nouvelles, des couples inattendus, toute une irisation des possibles que seule Anne Valérie Gasc vous a jusqu’à ce jour ouverte ; vous voyez qu’elle a touché, ici ou là, des zones déjà occupée, l’arpentage de l’espace, le vécu de la ville, le désespoir et l’ennui, la basse continue de la féminité, la fuite, la précarité, la dynamique trouble des frontières10 ; vous voyez aussi qu’elle le fait avec une ardeur désespérée à laquelle vous n’aviez pas encore goûté ; ou, plutôt, en brûlant du désespoir.
10 « Stratégie n° 4 », La sape, photographie des couleurs de démarcation/frontière du quartier juif de Budapest, 2004