MARCEL ALOCCO
J’ai inventé Fluxus.
Avant moi, il existait – soit.
Mais quoi de commun entre l’impérialisme de Ben (Vautier) et la solitaire sagesse de George Brecht ? George Maciunas déclinait, après une liste déjà longue, dont j’étais – et qui n’était pas close – tout une gamme des possibles depuis Flynt (« Economics+ Bluegrass ») jusqu’à « ceux qui n’eurent rien à faire avec Fluxus – jamais », mais dont il délimitait me semble-t-il les contours, et d’une certaine façon, les nommant, les avalisait : ceux qui, eux aussi, ont inventé un Fluxus toujours neuf, taillant chacun dans son tissu caméléon un costume qui sied à leur teint particulier.
Fluxus fut la liberté de jouer l’ironie et les mots, de confronter la « Culture » à la jardinière – comme dans une « Histoire quotidienne », à l’illusion érotique : cf « Bande-objet n°8 ». Ce fut la liberté d’affirmer que jouer musique, peindre et écrire pouvaient se marier, et que la peinture pouvait affronter le terrorisme alors régnant de l’objet au nom du principe : « Pourquoi pas ? ». Ce fut aussi la liberté de se joindre à d’autres entreprises non-contradictoires, comme celle d’aller sonder le mécano du peintre en travaillant dans le tableau ses éléments constitutifs. D’oser garder ce regard « économique » qui s’attache aux « à-côtés » de la pratique dans « La peinture déborde », et suivre jusqu’au fil détissé la plus petite particule signifiante du tableau…
J’invente encore aujourd’hui Fluxus.
Je revendique, ce jour, l’héritage du défunt – mort aux environs de 1968, d’un refroidissement : on l’avait découvert. Je revendique le droit de le ré-inventer encore, comme je revendique celui de chacun d’avoir pu le faire depuis vingt ans – Beuys, Vostell, Page etc : même s’ils n’avaient rien à faire avec Fluxus – jamais.